Le coronavirus, une "bombe à retardement pour le climat"

Par latribune.fr  |   |  563  mots
(Crédits : Gonzalo Fuentes)
LE MONDE D’APRÈS. Au-delà effets positifs de court terme pour l’environnement, la crise actuelle sera une catastrophe pour la lutte contre le changement climatique, estime le chercheur François Gemenne.

La baisse de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre, constatée dans de nombreux pays en raison de la chute de l'activité économique et des déplacements, ne doit pas faire croire à l'opinion publique que la crise du coronavirus est bénéfique pour l'environnement. C'est avertissement lancé par François Gemenne, chercheur à l'université de Liège et membre du Giec, dans une tribune publiée dans le quotidien belge Le Soir. Et de prévenir:  "A long terme, cette crise sera une catastrophe pour le climat".

Pour le chercheur, les effets positifs à court terme n'auront en effet aucun impact sur la trajectoire du réchauffement climatique, que les pays signataires de l'Accord de Paris se sont engagés à limiter à 2°C, voire même à 1,5°C, d'ici à 2010 par rapport aux niveaux préindustriels. "Le climat a besoin d'une baisse soutenue et régulière des émissions de gaz à effet de serre, pas d'une année blanche", note François Gemenne. D'autant plus, poursuit-il, que les émissions rebondiront une fois la crise sanitaire et économique passées, comme l'a démontré de la récession de 2008-2009.

Pis encore, estime le membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, les gouvernements pourraient être tenté de "tendre une bouée de sauvetage à l'industrie fossile" plutôt que de mettre en place le "Green New Deal" indispensable pour faire émerger une économie post-carbone. "Au lieu de cela, on risque bien de faire exactement le contraire, et de revenir plusieurs années en arrière", redoute-t-il. Et de citer les exemples du Canada, qui veut relancer son industrie pétrolière et gazière, et de la Chine, qui envisage de construire des centaines de nouvelles centrales à charbon.

Parallèlement, "beaucoup de gouvernements risquent aussi d'en profiter pour remettre en cause les quelques mesures engagées pour lutter contre le changement climatique, au nom de la relance économique", insiste François Gemenne. En Europe, note-t-il, la République Tchèque et la Pologne ont déjà demandé l'abandon du "Green New Deal" européen, mesure phare de la nouvelle Commission, présidée par l'Allemande Ursula von der Leyen. La COP26, qui doit se tenir en novembre à Glasgow, permettra d'y voir plus clair: un après l'accord minima de la COP 25, les Etats accepteront-ils de prendre des mesures encore plus fortes ?

A force de répéter qu'il faut appliquer au climat les mêmes mesures que celles prises face à l'épidémie du coronavirus, la crise actuelle présente, enfin, un dernier risque: "installer l'idée que la lutte contre le changement climatique implique la mise à l'arrêt de l'économie, la limitation des échanges et l'enfermement chez soi", avance François Gemenne. Ce qui pourrait l'adhésion de la population. "La crise du coronavirus et le changement climatique possèdent évidemment de nombreux traits communs - leur caractère mondial, la nécessité de réponses urgentes, les alertes scientifiques - mais ce sont deux problèmes fondamentalement différents, qui appellent des réponses différentes", souligne le chercheur. Et de conclure:

"Le changement climatique n'est pas une crise: c'est une transformation irréversible. Il n'y aura pas de retour à la normale, pas de vaccin contre le changement climatique. Et il faudra des mesures structurelles, qui engagent une véritable transformation de la société et de l'économie".