« Gazprom a des projets prometteurs à long terme avec EDF »

Dans un entretien à « La Tribune » et à d'autres médias européens, le président du groupe gazier russe Gazprom, Alexeï Miller, s'explique sur ses liens avec les grands groupes français. Et livre sa prévision sur l'évolution du prix du gaz. Il fait le point sur les projets de gazoducs (South Stream, Nabucco) pour acheminer du gaz de la région du Caucase vers l'Europe.
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Comment jugez-vous votre coopération avec des firmes françaises, comme Total, GDF Suez ?

En Europe, c'est avec la France que nous avons la plus forte et la plus active coopération ces deux dernières années. Le partenariat avec les firmes françaises est le plus dynamique bien que nos liens les plus anciens soient ceux avec nos partenaires allemands et que l'Italie soit le deuxième importateur le plus important de gaz russe. Beaucoup des grands groupes français ont un avantage essentiel sur leurs homologues européens : ils se positionnent en tant qu'acteurs mondiaux alors que les autres se limitent à leur marché local, l'Europe. Or, petit à petit, se constituent des alliances mondiales. Et c'est avec de tels opérateurs mondiaux, sur la base de la collaboration antérieure réussie, que nous développerons des projets, procéderons à des échanges d'actifs et coopérerons dans des pays tiers. GDF Suez est ainsi déjà notre partenaire dans le projet de gazoduc Nord Stream.

Qu'en est-il de votre coopération avec EDF ?

Nous avons avec EDF des relations très étroites et des projets prometteurs à long terme auxquels nous travaillons activement. Cela concerne notamment la production d'électricité, un de nos objectifs, et des synergies supplémentaires entre nos groupes. EDF étant à la fois actif dans le secteur gazier et dans le nucléaire, nous envisageons des opérations d'échange, car pour nous peu importe si l'électricité est produite par le nucléaire ou une centrale alimentée au gaz. Et si nous bénéficions d'une électricité à un tarif moins cher car produite grâce au nucléaire, nous pouvons, de notre côté, réduire nos prix du gaz dans nos contrats. Ces opportunités existent seulement car EDF et Gazprom sont impliqués à tous les stades de la filière et partagent ensemble les risques. EDF est aussi notre partenaire dans le gazoduc South Stream. Plus généralement, avec nos partenaires européens nous n'en sommes plus seulement à une simple relation de fournisseur à clients.

Souhaitez-vous vous associer à EDF pour son projet de stockage souterrain de gaz dans les Landes ?

Le stockage souterrain de gaz en Europe doit être encouragé et développé. Les initiatives d'EDF dans le stockage nous intéressent, tout comme les importants projets de stockage élaborés en Autriche. Le stockage de gaz devrait représenter en Europe au moins 5 % de l'ensemble de notre fourniture de gaz à ce continent.

Comment vont évoluer les prix du gaz selon vous ?

Le prix de 500 dollars pour 1.000 m3 de gaz au dernier trimestre de cette année est une prévision plutôt réaliste. En 2011, le prix moyen des contrats de long terme sera au moins de 100 dollars supérieur au prix moyen en vigueur l'an dernier. Il faut avoir en tête le précédent de 2008 quand le prix du pétrole, auquel est lié celui du gaz, avait atteint 147 dollars le baril, c'était un bref pic. Aujourd'hui, la situation est très différente : le prix est certes inférieur à ces 147 dollars le baril, mais il demeure à un niveau très élevé pour un certain laps de temps.

Plusieurs de vos clients, notamment dans les pays baltes, se plaignent du prix trop élevé de votre gaz...

Que je rencontre un représentant d'un pays, balte ou autre, tout le monde me dit toujours qu'ils paient le prix le plus élevé. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un me disant qu'il payait le prix le moins cher. Le prix du gaz est un prix dérivant du prix du pétrole.

Le début de la construction du gazoduc Nabucco, allant de la mer Caspienne à l'Europe centrale, vient d'être repoussé à 2013. À quel stade en est votre gazoduc concurrent, le South Stream ?

Nous n'avons jamais considéré le gazoduc Nabucco comme un projet concurrent. Nabucco et South Stream ont des objectifs différents. South Stream vise la diversification des routes de transport du gaz alors que Nabucco veut diversifier les sources d'approvisionnement en gaz. Le retard de deux ans de Nabucco est lié à ces sources d'approvisionnement. De mon point de vue, le retard annoncé de deux ans pour Nabucco est très optimiste. En revanche, South Stream est dans les temps prévus. Nous avons achevé toutes les études de faisabilité en offshore et celles pour le transit sur terre dans les différents pays. Ensuite, nous finaliserons le tracé du pipeline, soit les points d'entrée et de sortie dans les pays respectifs. Une première estimation de l'investissement nécessaire pour la construction de ce gazoduc est de 15,5 milliards d'euros, dont 10 milliards pour les conduites sous l'eau et 5,5 milliards pour le pipeline sur terre. Contrairement au projet Nabucco, nous n'avons aucune difficulté de financement. Nous avons une garantie financière de 100 % et des contrats de long terme pour l'approvisionner.

Une fois entrés en service ce gazoduc South Stream et celui traversant la mer Baltique (Nord Stream), quelle importance auront les gazoducs fournissant actuellement du gaz à l'Europe de l'Ouest à travers l'Ukraine et la Pologne ?

Les capacités combinées de Nord Stream et South Stream ne supplanteront pas tout le volume de gaz transitant par l'Ukraine. Seuls l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni pourront être livrés en gaz via le Nord Stream, tous les autres clients continueront à recevoir leur gaz par l'ancien pipeline. Mais s'il devait y avoir quelques problèmes à l'avenir avec des pays de transit - Dieu nous en garde ! -, nous serions en position de réagir très rapidement et d'optimiser les routes de livraison grâce à des tracés alternatifs.

Pourriez-vous faire votre entrée en politique en Russie, à l'instar de Mikhaïl Prokhorov, l'ancien dirigeant de la compagnie minière Norilsk Nickel ?

Je viens de fêter mes dix ans à la tête de Gazprom. Et j'ai déjà été affublé des clichés selon lesquels je serais « le bras opérationnel du Kremlin » ou « le second ministre des Affaires étrangères russe » ! L'État a prolongé mon contrat pour cinq autres années. Et je les consacrerai donc à continuer ce que j'ai commencé.

 

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