Guerre de positions des majors pétrolières en Libye

Au-delà des incertitudes politiques, les pétroliers internationaux convoitent le fort potentiel du pays qui abrite les plus importantes réserves d'Afrique.
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A l'instar de l'Irak et de l'Angola, la Libye attire la convoitise de tous les pétroliers étrangers », souligne Nicolas Sarkis, directeur du Centre arabe d'études pétrolières. Recelant les plus importantes réserves de pétrole d'Afrique, la Libye ne se classe pourtant qu'au 4ème rang des producteurs de brut du continent, derrière le Nigeria, l'Angola et l'Algérie. « Dans le contexte actuel de raréfaction de nouvelles grandes découvertes de pétrole, les réserves libyennes, largement sous-exploitées en raison des décennies de sanctions et d'embargo internationaux, offrent un potentiel très attractif », explique-t-il.

Les compagnies pétrolières du monde entier ont donc les yeux braqués sur la Libye en misant, à terme, sur une inévitable augmentation de la production. En commençant par les européens qui achètent déjà 85 % de ce brut particulièrement léger et à basse teneur en souffre. Tripoli avait déjà engagé en 2009 un programme de relèvement de sa production de 1,6 à 3 millions de barils par jour, le niveau atteint en 1969, extrait essentiellement par des compagnies américaines, avant leur nationalisation par Kadhafi. Jugeant ce programme ambitieux, l'Agence internationale de l'énergie tablait pour sa part sur une hausse de la production libyenne à 2 millions de barils jour en 2015.

Depuis, la révolution a éclaté et la production a été pratiquement réduite à néant. Après l'annonce de la chute imminente de Kadhafi, les experts misent sur un retour de la production au niveau du début de l'année 2011, en 12 à 24 mois. « D'après les informations des sociétés de service, les unités de production ne seraient pas endommagées », précise à « La Tribune » Guy Maisonnier de l'IFP Energies Nouvelles. « Le délai de redémarrage dépendra donc essentiellement de l'évolution du contexte politique et de la sécurité », ajoute-t-il.

La France récompensée ?

Au-delà de la reprise des contrats existants, les pétroliers cherchent à se positionner pour profiter au mieux de l'accroissement de la production qu'un nouveau gouvernement devrait favoriser pour accroître ses revenus. Tâche compliquée. « Ceux qui parlent aujourd'hui sont-ils ceux qui vont gouverner la Libye dans un an ? », s'interroge Nicolas Sarkis. Ainsi, en avril dernier, le Conseil national de transition (CNT) avait, selon Mathieu Guidère, spécialiste du monde arabe à l'université Toulouse II, décidé de récompenser l'engagement de la France en lui réservant 35 % des futurs contrats pétroliers. Le bureau exécutif du CNT a été limogé début août (voir ci dessous). « Les pays comme la France et la Grande-Bretagne, qui ont aidé au renversement de Kadhafi, pourraient raisonnablement être sollicités », estime cependant Nicolas Sarkis. Troisième pétrolier étranger sur place, Total extrait en Libye 7 % de son pétrole africain. Le britannique BP en revanche n'est présent que dans l'exploration, grâce à un beau permis décroché récemment.

D'autres soutiens des rebelles, comme le Qatar, qui se verrait bien renforcer sa position sur la fourniture de gaz en Europe, ou le trader de pétrole Vitol pourraient en profiter. Sans compter les majors comme ExxonMobil et Shell, qui tentaient dernièrement d'amorcer leur retour en Libye avec des permis d'exploration.

Pour l'instant, les acteurs des pays émergents semblent en revanche en mauvaise posture. « Nous pouvons avoir quelques problèmes politiques avec la Russie, la Chine et le Brésil », a déclaré à Reuters, Abdeljalil Mayouf, de la compagnie pétrolière pro-rebelle Agoco. Quant à l'italien Eni, premier pétrolier étranger en Libye où il extrait déjà 15 % de sa production, ses techniciens sont déjà de retour sur place, selon le ministre italien des affaires étrangères, pour qui « il est clair qu'Eni jouera le premier rôle à l'avenir ».

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