Entreprises sociales recherchent fonds propres désespérément

Qu'elles soient coopératives de production ou de distribution, mutuelles ou encore associations, les entreprises de économie sociale et solidaire peinent à se financer. Elles représentent pourtant un poids économique considérable : 2,3 millions d'emplois en France.
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Comment trouver des capitaux pour renforcer la solidité financière ? Pour les entreprises de l'économie sociale et solidaire, cette question tourne, plus qu'ailleurs, au casse-tête. Et pour cause : ces structures n'ont pas d'actionnaires, mais des sociétaires ou des adhérents qui n'ont pas forcément envie - ou les moyens - de participer à des augmentations de capital. Gênant pour des entreprises qui représentent, selon l'Insee, près de 10% de l'emploi salarié en France, soit 2,3 millions de personnes, et 8% des salaires (lire ci-dessous). Pour les aider à croître et à embaucher, l'idée de l'actuel gouvernement serait d'aménager des instruments financiers spécifiques. Les détails devraient figurer dans le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire prévu pour le premier semestre 2013.
De leur côté, les mutualistes ont bien failli bénéficier d'un traitement spécial. Au c?ur de l'été, le gouvernement a soumis aux fédérations de mutuelles un projet de texte créant des « certificats mutualistes ». Ils sont directement inspirés des certificats coopératifs, qui permettent aux banques coopératives de vendre à leurs clients des parts sociales sur lesquelles ils touchent un intérêt dont le montant est fixé annuellement. « Mais le gouvernement nous a demandé de nous prononcer sous 48 heures. Il voulait créer ces certificats de toute urgence », raconte un mutualiste. Pourquoi si vite ? Le sort de l'assureur Groupama, confronté depuis un an à la nécessité de renforcer ses fonds propres, en aurait été certes grandement amélioré, explique ce même mutualiste. Mais ni les mutuelles ni même le Trésor ne semblaient prêts à aller si rapidement.

Un instrument financier accessible à tous

Car pour les assureurs mutualistes, il ne s'agit pas simplement d'ajouter une nouvelle possibilité à la liste prévue par le Code des assurances, mais de créer un nouvel instrument financier, accessible y compris aux petites entités, qui pourrait être comptabilisé comme des fonds propres « durs » selon les nouvelles normes prudentielles de Solvabilité 2. Il reste à déterminer si ces titres seraient réservés aux seuls sociétaires (les clients) ou également à des investisseurs institutionnels.
Une réflexion est menée en parallèle du côté des Scop, ces sociétés coopératives et participatives dont les salariés sont les associés majoritaires. Certes, « quand elles gagnent de l'argent, les Scop mettent en moyenne 40% de leurs bénéfices en réserve dans l'entreprise », explique Patrick Lenancker, président de la confédération générale des Scop (CG Scop). Mais parfois, ce n'est pas suffisant, notamment dans les cas de rachat d'une entreprise de taille intermédiaire. Or « l'intervention des fonds de capital investissement est limitée », observe Patrick Lenancker. Ils ne peuvent en effet pas miser sur la plus-value réalisée à la revente - comme dans une transaction habituelle - pour se rémunérer, car les parts sociales d'une Scop restent toujours à leur valeur nominale initiale. Pour palier l'absence d'intervention des fonds traditionnels, les Scop ont donc mis en place leurs propres structures, en particulier, la Socoden ou Société coopérative de développement et d'entraide, alimentée depuis quarante ans par une cotisation annuelle de toutes les Scop. Ses prêts participatifs peuvent être complétés par l'Institut de développement de l'économie sociale (Ides), créé en 1983 par des grandes banques coopératives et mutuelles, mais aussi l'État et la Caisse des dépôts. Lorsque les montants rassemblés restent trop faibles, il faut chercher d'autres soutiens. À défaut, les acteurs de l'économie sociale sont amenés à créer des filiales de statut privé « traditionnel ». Les groupes coopératifs bancaires et agricoles doublent ainsi leurs effectifs dans des filiales extérieures à l'économie sociale.
Si la banque publique Oséo et le FSI (Fonds stratégique d'investissement) ne sont en théorie pas fermés aux Scop, leur accès reste en pratique malaisé. Elles misent donc aujourd'hui sur la perspective de fusion de ces deux structures au sein de la nouvelle Banque publique d'investissement (BPI) qui doit être officialisée le 17 octobre. Sur les 30 milliards de capacité d'investissement dont elle serait dotée, 500 millions seraient dédiés à l'économie sociale. Cette manne financière pourrait notamment être utilisée lorsque la valeur de l'entreprise est si élevée que la reprise par les salariés ne peut s'opérer en une seule fois. L'investisseur public serait donc détenteur de parts sociales pendant 5 ou 10 ans, le temps pour les salariés de monter dans le capital grâce par exemple au réinvestissement de la totalité des excédents.

La BPI soutiendrait les associations

La BPI serait susceptible de soutenir aussi les associations dont la situation vacillante avec l'assèchement progressif des financements publics, en particulier dans le secteur sanitaire et social. « Le gouvernement a le projet de relancer les titres associatifs », indique Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif. Cette banque historique de l'économie sociale vient justement de lever auprès d'investisseurs institutionnels 4 millions d'euros de titres associatifs pour l'association humanitaire Acted. Une opération qui reste très exceptionnelle car, faute de présenter une liquidité suffi sante et une rémunération attractive, ces titres peinent à convaincre les candidats à l'investissement. Or toutes n'ont pas la possibilité, comme les associations et fondations à forte notoriété (Médecins sans frontières, la Croix-Rouge, les Apprentis d'Auteuil, etc.), de faire appel à la générosité des particuliers.

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L'impératif démocratique
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire regroupent des coopératives, des mutuelles, des institutions de prévoyance, des associations et des fondations exerçant dans des domaines très divers : agriculture, sanitaire et social, enseignement, hospitalisation, banque et assurance mais aussi agroalimentaire, commerce de gros ou bâtiment, etc. Les coopératives géantes comme les Hypermarchés Leclerc (37,8 milliards de chiffres d'affaires en 2011 et 96.000 salariés) ou le Crédit agricole (35,1 milliards d'euros de produit net bancaire en 2011, 160.000 salariés) n'ont évidemment pas les mêmes problèmes d'accès aux ressources financières que les Scop industrielles de taille moyenne ou les petites associations locales. Mais elles ont en commun quatre grands principes : une gouvernance démocratique (une personne = une voix, quel que soit l'apport en capital ou en temps de travail) ; la solidarité (pas d'appropriation individuelle des profits) ; un projet collectif avec une gestion indépendante ; la libre adhésion.

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