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Après avoir accordé en France des crédits d'une centaine de millions d'euros chacun aux groupes Sonepar et Neopost, Axa envisage des montages paneuropéens. Cette initiative de l'assureur ne devrait pas rester isolée, plusieurs banques de financement travaillant à monter des projets similaires avec d'autres compagnies.
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Le marché du financement des entreprises de taille moyenne bouge vite. L'une des innovations récentes, le prêt par un assureur, est promise à un bel avenir. Le groupe Axa a, en effet, financé récemment deux emprunts, d'un montant d'une centaine de millions d'euros chacun, pour les groupes Sonepar, en août, puis Neopost, en octobre. « D'autres opérations sont en cours de finalisation en France et nous espérons signer dans les prochains mois de nouveaux partenariats dans différents pays », indique Laurent Clamagirand, directeur des investissements du groupe Axa. Une gestion paneuropéenne entre plusieurs compagnies du groupe (France, Allemagne, Belgique) pourrait même être envisageable. En tout cas, d'ici à la fin de l'année, il espère avoir déjà accordé 500 millions d'euros de crédits aux entreprises.

Axa ne restera pas un cas isolé, comme l'indiquent les deux banques de financement avec lesquelles l'assureur a travaillé, Société générale Corporate & Investment Banking et Crédit agricole Corporate and Invest-ment Banking, pour monter ces deux premières opérations. « Nous sommes en discussion avec d'autres compagnies d'assurance en France, ou leurs filiales de gestion d'actifs, pour monter des opérations similaires à celles d'Axa », précise ainsi Guy Silvestre, coresponsable du département Global Capital Markets chez Société générale CIB.

Des dossiers triés sur le volet

Le principe est simple : « La banque conserve 20% du prêt de manière qu'il y ait un alignement d'intérêt avec l'assureur Axa qui prête 80% de la somme », explique Jean-François Balaÿ, responsable mondial « optimisation de la dette et distribution » chez Crédit agricole CIB. La compagnie d'assurances a signé au préalable avec chacune des banques partenaires un protocole méthodologique. Elle veut être associée à chaque dossier de prêt dès l'origine et les trie sur le volet dans la mesure où l'analyse est décisive pour ces entreprises qui ne sont pas notées et ne publient pas d'information financière détaillée. « Nous avons refusé certains dossiers », avoue Laurent Clamagirand, qui précise : « Nous n'entrons pas dans des prêts d'un montant faible qui nécessiteraient de déléguer la signature. » L'assureur porte donc, selon les cas, directement les créances à son bilan ou crée son propre fonds de titrisation ; mais il ne souhaite pas passer par des fonds gérés par d'autres afin de mieux maîtriser le risque. Contrepartie d'un rendement plus attrayant du placement, le risque est en effet potentiellement plus élevé. D'autant plus que le prêt, d'une durée de cinq à sept ans, « n'est pas cessible (ou bien cessible à certaines conditions), contrairement à une obligation cotée sur un marché officiel », souligne Guy Silvestre, de Société Générale CIB. « Nous ne nous couvrons pas sur le marché des CDS [crédit default swap, assurance contre le risque de défaut, NDLR] », précise Laurent Clamagirand d'Axa.
L'assureur pourrait aussi souscrire des émissions en placement privé d'obligations d'entreprises de taille intermédiaire. Cette pratique est courante en Allemagne sur le marché du Schuldschein, ces certificats de dette allemands qui s'apparentent à des accords de crédits bilatéraux. Ils nécessitent une documentation plus légère et n'imposent pas de notation pour l'entreprise emprunteuse. Mais ce marché s'ouvre tout juste en France : Bonduelle, le spécialiste des légumes en conserve, a ainsi fait la première émission obligataire en placement privé début septembre. D'autres lui ont emboîté le pas depuis lors. Quelques assureurs français, comme Predica, la filiale d'assurance-vie du Crédit Agricole, manifestent un grand appétit pour ce type d'investissement. Axa, en revanche, préfère la formule du prêt. « Nous souscrivons des obligations d'entreprise en placement privé en Allemagne. Mais en France, nous préférons investir dans des prêts aux entreprises car le traitement comptable et financier des obligations "corporate" en placement privé est très contraignant, selon le Code des assurances français. De plus, avec ce type d'obligations, il n'y a pas de partage de sort avec la banque qui organise l'émission, souligne Laurent Clamagirand. Les prêts nécessitent de mobiliser moins de fonds propres que les obligations "corporate" car ils sont moins volatils. C'est un plus pour nous. »De leur côté, les entreprises à la recherche d'argent frais accueillent favorablement cette nouvelle initiative. « Sonepar, qui a bénéficié du prêt conjoint entre Axa et Société générale, n'a aucun problème pour se financer auprès de ses banques, mais elle veut répartir différemment sa dette, au-delà du seul marché bancaire. Elle tient compte de la réduction du nombre de banques en Europe et de la réduction de la taille de leur bilan. Et elle préfère s'orienter vers le financement "désintermédié" dès maintenant, pour être en phase avec l'évolution des marchés et profiter de ces nouvelles ressources dans l'avenir », explique Guy Silvestre.

Une transaction qui reste confidentielle

Avec 33.000 salariés et 14,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires fin 2011, Sonepar, entreprise familiale de distribution de matériel électrique (prises de courant, interrupteurs, câbles, etc.) travaille dans 35 pays et poursuit une politique d'acquisitions très active : aux États-Unis, en Chine et au Canada l'an dernier. Le groupe a notamment levé 400 millions d'euros en mai 2012 sous forme de Schuldschein en Allemagne. Mais en France, Sone-par a opté pour le format du prêt, qui « offre plus de souplesse pour un émetteur souhaitant préserver la confidentialité de la transaction et de sa communication financière », par rapport à un placement privé de type obligataire, dont le prospectus est public, indique Guy Silvestre.
Le groupe Neopost aussi s'est essayé à plusieurs reprises au marché du placement privé obligataire à l'étranger. Il est lancé dans une véritable « campagne de refinancement », selon son directeur financier, Jean-François Labadie. Ce fournisseur d'équipements de traitement de courrier qui a engrangé plus de 1 milliard de chiffre d'affaires en 2011 a annoncé fin octobre deux levées de fonds sous la forme de Schuldschein allemands, après en avoir déjà réalisé deux autres en août et en septembre. Le groupe avait par ailleurs effectué en juin une émission obligataire de 175 millions de dollars aux États-Unis par le biais d'un placement privé auprès de compagnies d'assurances. L'emprunt de 100 millions d'euros pour cinq ans auprès d'Axa, conjointement avec Crédit Agricole CIB, est donc une option additionnelle pour cette entreprise engagée dans la recherche de diversifica-tion tous azimuts de ses sources de financement.

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Le dispositif mis en place par AXA

80?% La banque conserve 20?% du prêt de manière qu'il y ait un alignement d'intérêt avec l'assureur, qui prête le reste de la somme.

5 à 7... ans. C'est la durée du prêt, qui par ailleurs n'est cessible que sous certaines conditions, contrairement à une obligation cotée sur un marché officiel.

500 millions d'euros. D'ici à la fin de l'année, Axa espère avoir accordé un demi-milliard d'euros de crédits aux entreprises.

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