Espagne : les banques sous la pression des élus

Après le suicide de trois personnes sur le point de perdre leur logement, plusieurs maires ont pris des mesures de rétorsion contre les banques qui veulent expulser les ménages surendettés.
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En Espagne, les expulsions de logement de propriétaires surendettés ont pris, ces derniers mois, une tournure tragique. Cet automne, trois personnes sur le point de perdre leur appartement ont mis fi n à leurs jours. Des drames qui ont choqué l'opinion et poussé les collectivités à s'engager. Confrontés à la multiplication des saisies immobilières, dans un contexte de flambée du chômage, les maires ont dû faire face à des situations d'urgence.
Certains d'entre eux ont réagi en mettant la pression sur les banques. À l'image de José Manuel Bermudez, maire de Santa Cruz de Ténérife (Canaries), qui a retiré voici quelques semaines le 1,5°million d'euros que sa commune détenait chez Bankia, quatrième banque espagnole, afin de protester contre l'expulsion d'une mère de famille.
Un geste d'autant plus remarqué que Bankia, en grande difficulté, n'a été sauvée qu'au prix d'une aide publique de 24 milliards d'euros... À la suite de l'annonce du maire, un compromis a d'ailleurs été trouvé dare-dare et... la cliente de Bankia a pu réintégrer son logement.

Le gouvernement veut un moratoire de deux ans

Face aux caméras des chaînes nationales de télévision, José Manuel Bermudez martèle : « Nous nous sommes réunis avec la banque, qui a refusé la solution d'un loyer social. Nous avons donc retiré notre argent et deux jours après, nous sommes arrivés à cette solution. Il faut éviter que les gens sans revenus soient jetés à la rue à cause d'un prêt immobilier qu'ils ne peuvent plus rembourser. »Souvent critiquée pour sa gestion de la crise immobilière, Bankia a une lecture différente : « La mairie de Santa Cruz de Ténérife, comme n'importe quel client, peut modifier à tout moment ses comptes. La menace de retirer les fonds n'a rien à voir avec la solution trouvée. » Bien entendu. Mais il n'empêche : sous la pression conjointe des associations citoyennes et des collectivités, l'Association espagnole des banques (AEB) a depuis annoncé le gel des expulsions « dans les cas d'extrême nécessité ». Consciente de l'impact négatif dans l'opinion, Bankia a tenu à préciser : « Depuis 2009, Bankia a renégocié 80.000 prêts et, entre 2011 et 2012, a accepté 4.300 dations en paiement [le fait de rendre son logement pour solder sa dette, ndlr]. » L'affaire de Santa Cruz de Ténérife, très médiatisée, a inspiré d'autres élus. Ainsi le maire de Vigo, une ville de plus de 300.000 habitants située en Galice (nord-ouest), par ailleurs numéro 2 de l'Association nationale des maires, a prévenu les banques qu'il retirerait les fonds de sa commune en cas de nouvelles expulsions. Et le maire de Saragosse (700.000 habitants) a annoncé que la police locale ne participerait plus à ces opérations. En Catalogne, Tarragone (130.000 habitants) pourrait suivre.
Face à cette grogne qui se répand comme une traînée de poudre, le gouvernement a proposé un moratoire de deux ans des expulsions et la création de logements sociaux pour ceux qui se retrouveraient à la rue. Mais la principale revendication des associations n'a pas été entendue : elles exigent l'annulation des crédits des personnes expulsées, car la plupart d'entre elles, même après avoir « rendu » leur logement à la banque, doivent ensuite continuer à payer le reste de leur dette...

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