Saturés, les aéroports de Londres provoquent un crash... politique

Les conservateurs britanniques se déchirent. Soutenus par les dirigeants nationaux, les professionnels du secteur aérien réclament une extension d'Heathrow et de Stansted. Le maire de Londres, Boris Johnson, milite, quant à lui, pour la construction d'un nouvel aéroport. Coût estimé : entre 62 et 98 milliards d'euros...
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Le débat autour du retard pris par Londres dans son développement aéroportuaire prend une ampleur phénoménale. Au centre de la tourmente, un parti conservateur totalement déchiré. D'un côté, des dirigeants nationaux guidés par le lobby du secteur aérien, partisans d'une deuxième piste à l'aéroport de Stansted ainsi que d'une troisième piste et d'un sixième terminal pour l'aéroport d'Heathrow ; de l'autre, leurs opposants, représentant principalement les riverains, menés par le maire de Londres, Boris Johnson. Très virulent, ce dernier a estimé en fin de semaine dernière que la relance de ce projet équivaudrait à « revenir sur la pointe des pieds vers une clôture électrique qui électrocutera politiquement quiconque essaiera de la toucher ».Si ce serpent de mer circule dans les milieux politiques et économiques depuis vingt ans, un rapport publié en décembre 2003 sur les besoins aériens du Royaume-Uni avait changé la donne : il prévoyait que 465 millions de passagers utiliseraient les aéroports britanniques en 2030 (dont 180 millions pour le seul Heathrow) contre 200 millions en 2003.

Le maire de Londres lâché par les siens...

Aujourd'hui, le péril devient beaucoup plus réel puisque l'aéroport de Heathrow fonctionne déjà en surcapacité : alors qu'il est prévu pour accueillir 55 millions de passagers, près de 63 millions s'y pressent chaque année. Même l'ouverture d'un cinquième terminal en 2008 n'a pas permis de résoudre cette saturation car les deux seules pistes utilisées par les avions sont embouteillées. Le manque à gagner enfle chaque jour et il promet de s'accroître si Francfort ou Paris parviennent à profiter du surplace anglais.
À la fin des années 2000, le projet de nouvelles extensions de Heathrow et Stansted commence à avancer. Contre l'avis de Boris Johnson, devenu au fil des ans son principal adversaire, justifiant son hostilité par une étude gouvernementale réalisée en 2005 : elle montrait qu'une troisième piste ne pousserait la capacité d'accueil de Heathrow qu'à 128 millions de passagers, soit un chiffre bien inférieur au trafic attendu pour 2030.Lorsque le parti conservateur et le parti libéral-démocrate rangent le projet travailliste au placard le jour même de la création de la coalition gouvernementale, le 12 mai 2010, Boris Johnson pense donc pouvoir souffler. Néanmoins, conscient de l'engorgement de Heathrow et des quatre autres aéroports londoniens (134 millions de passagers en tout), le maire réclame la construction d'un nouvel aéroport dans l'est de Londres. Son choix s'est porté sur l'estuaire de la Tamise, et précisément sur les sables de Shivering, rebaptisés par la presse britannique « l'île de Boris ». Avec quatre pistes, cette nouvelle plate-forme aéroportuaire permettrait d'accueillir à elle seule 150 millions de passagers. Seul petit souci : son coût, lignes de train incluses, est estimé entre 50 et 80 milliards de livres (soit entre 62 et 98 milliards d'euros)...La volte-face, il y a quelques semaines, du parti conservateur dont il est un membre éminent, a mis fin à la sérénité du maire de Londres. Car, dans le même temps, toute une machinerie s'est mise en route. Ainsi, la ministre des Transports, Justine Greening, une parlementaire d'une circonscription de Londres engagée contre l'extension de Heathrow, a tout d'abord été écartée à l'occasion d'un remaniement gouvernemental. Son remplaçant, Patrick McLoughlin, ministre de l'Aviation dans les gouvernements de Margaret Thatcher entre 1989 et 1992, s'était certes opposé à l'extension de Heathrow et de Stansted... mais il pourrait bien avoir changé d'avis depuis. Dans la foulée, le Premier ministre a nommé Howard Davies, qui dirigea notamment le principal lobby des grosses entreprises du pays, à la tête d'une commission d'enquête sur les transports aériens nationaux, chargée de rendre un premier avis à la fin de 2013...

Vingt ans d'attente pour le nouvel aéroport

De son côté, le secteur aérien ne ménage pas ses efforts pour faire pencher la balance en faveur du projet de la troisième piste de Heathrow. Par exemple, le patron de Virgin Atlantic, Richard Branson, a rappelé lors d'un entretien à la BBC que le projet du « nouvel aéroport nécessitera d'attendre encore vingt ans » et que, d'ici là, faute de pouvoir ajouter de nouvelles routes aériennes vers le Royaume-Uni, « les passagers se rendraient en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne (...) Une piste sera donc construite à Heathrow. La question est de savoir quand et quel homme politique sera assez coura-geux pour prendre la décision ».Même si David Cameron assure « ne pas vouloir rompre sa pro-messe de campagne », il semble bien que le vent soit en train de tourner. Le nouveau président du parti conservateur Grant Shapps s'est d'ailleurs dit totalement favorable au projet de Heathrow, estimant « irresponsable » d'ignorer les besoins de l'aviation nationale. « Si nous voulons rester une grande nation commerciale, nous avons besoin d'aéroports. Il existe un manque de créneaux dans le sud-est et à Londres, et cela doit être réglé, sans quoi nous nous condamnons à un échec économique dans l'avenir. » De quoi faire grandir l'inquiétude de Boris Johnson. Et d'autant que dans le contexte actuel d'austérité budgétaire, le gigantesque investissement pour un aéroport dans l'estuaire de la Tamise aura du mal à trouver sa place.

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Repères :

134 millions :
c'est le nombre de passagers accueillis chaque année dans les cinq aéroports londoniens.
465 millions : c'est le nombre de passagers prévus en 2030.
62 à 98 milliards d'euros : c'est l'estimation (très aléatoire...) du coût du projet de nouvel aéroport soutenu par le maire de Londres, Boris Johnson.

Commentaire 1
à écrit le 24/10/2012 à 7:44
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Les aéroports londoniens souffrent depuis des années de saturation mais le problème a été longtemps occulté et il est tard pour agir maintenant ; il existe quand même des solutions avec des aéroports secondaires type Biggin Hill ou Cambridge plus au ...

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