Désormais... Bobigny financera Neuilly !

Avec les nouveaux critères d'évaluation issus de la réforme de la taxe professionnelle décidée par Nicolas Sarkozy, Paris et les Hauts-de-Seine sont transformés en territoires qui s'appauvrissent, alors que la Seine-Saint-Denis est censée s'enrichir...
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La « paupérisation » croissante des Parisiens et la « dramatique situation fiscale » des habitants de Neuilly-sur-Seine en 2012 n'ont d'égal, à l'inverse, que l'« explosion » du potentiel fiscal des Corses, des Gersois, des Nivernais ou de tous ceux qui habitent la Seine-Saint-Denis... Sommet de l'absurde atteint aujourd'hui : les habitants du 93 ont en effet vu leur « potentiel fiscal » augmenter de 10,3% de 2011 à 2012, alors que ceux du 92 ont vu chuter le leur dans les mêmes proportions (voir tableau ci-dessous).

Les « nécessiteux » du 7e arrondissement parisien

Potentiel fiscal? Un calcul un peu complexe, supposé donner à l'administration la masse de recettes que la collectivité (commune, département, etc.), serait en mesure de mobiliser si elle appliquait des décisions « moyennes » en termes de fiscalité. Il sert essentiellement à l'État pour calculer les dotations et péréquations qui seront reversées ensuite à chaque collectivité. Ces chiffres en tout point étonnants ne reflètent bien sûr en aucun cas la réalité du territoire français. En revanche, ils proviennent de l'administration française, fruits de la pensée de quelques technocrates de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Et ils vont servir de base à la péréquation fiscale entre les départements en 2013. En clair : les « nouveaux riches » de Bobigny vont payer pour les « nouveaux pauvres » de Neuilly-sur-Seine, tandis que les « ultrariches » du maquis corse vont apporter leur obole aux « nécessiteux » du 7e arrondissement parisien. Non, tout cela n'est pas une plaisanterie, c'est un calcul de l'administration.
À l'origine de cette ubuesque révolution, il y a Nicolas Sarkozy. Lorsque le précédent président décide de supprimer la taxe professionnelle, il demande qu'on lui concocte une taxe de remplacement pour que les collectivités locales n'y perdent pas un centime. C'est ainsi qu'est créée en 2010 la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Parallèlement et pour des raisons de simplification, il est mis en place un nouveau mode de calcul du potentiel fiscal et financier des Français. Donc son mode de calcul est essentiel.
En instaurant le potentiel fiscal en 1979, Raymond Barre avait sagement prévu que toutes les données ne devaient pas être prises en compte telles quelles. Parmi elles : la taxe sur le foncier bâti qui est votée par les collectivités. Cette taxe pose en effet deux problèmes : d'abord elle est souvent politique. On ne l'augmente pas deux ans avant les élections, par exemple, ou on ne l'augmente pas pour attirer les nouveaux habitants. Ensuite, elle est forcément faible dans les villes riches qui n'ont pas besoin de ponctionner leurs habitants.
Raymond Barre l'avait donc pondérée, depuis 1979, avec le taux moyen pratiqué dans le département, de manière à lisser les calculs politiques des calculs fiscaux. Sur la base de ce potentiel fiscal ainsi obtenu, l'État redistribuait. Tout le monde étant à peu près, sinon satisfait, du moins habitué au système depuis 1979. Nicolas Sarkozy l'a donc changé. Et le nouveau mode de calcul du potentiel fiscal, de manière inexplicable et perverse, a réintroduit le taux du foncier bâti voté...

Les nouveaux « riches » perdent des millions!

Du coup, tout le système est devenu fou! Avec ce nouveau mode de calcul, en effet, les riches (qui votent des taux faibles) deviennent automatiquement des « faibles potentiels fiscaux » donc des pauvres! À l'inverse, avec les nouveaux potentiels fiscaux, certains départements sont en train de s'apercevoir qu'ils vont avoir des lendemains difficiles. Le Territoire de Belfort vient par exemple de découvrir qu'il avait un potentiel fiscal désormais plus élevé que la moyenne nationale. Il ne sait pas pourquoi. Mais conséquence : il n'est plus éligible au Fonds de péréquation des droits de mutation, le reversement effectué par ceux qui ont beaucoup de droits de mutation vers ceux qui n'en ont pas assez. Perte nette dans les recettes du conseil général : 4,1 millions d'euros en 2012. C'est beaucoup sur un budget de 130 millions!
Mais le bonheur des riches ne s'arrête pas là puisque la plupart des autres dotations devraient évoluer à la baisse. Et tout d'abord l'allocation perte d'autonomie (APA) destinée aux personnes âgées. Et un bonheur n'arrivant jamais seul, le Territoire de Belfort va devoir verser, grâce à ce nouveau taux, 450.000 euros au fonds de péréquation de la CVAE. L'ardoise est donc un peu lourde. La seule manière de s'en tirer pour le conseil général serait, pour compenser, d'augmenter de 20 points la seule taxe sur laquelle il peut encore agir : le foncier non bâti! 20 points! Dans d'autres départements, les situations sont encore plus absurdes. C'est le cas pour les trois départements franciliens qui se regardent en chiens de faïence : Paris, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis. La capitale, dont le nouveau potentiel financier l'a spectaculairement fait plonger de plus de 32% dans les abysses de la pauvreté, devrait se retrouver avec une progression de l'APA de 130%. Quant aux Hauts-de-Seine, qui ne se sont « appauvris » que de 10,3%, ils ne devraient voir progresser les reversements de l'APA que de 63%. En revanche, la Seine-Saint-Denis qui est, selon les nouveaux critères, 10% plus riche que l'année dernière, ne va rien voir progresser du tout. Elle doit même reverser 14,5 millions au Fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

« Si on ne revoit pas Le mécanisme, on est mort »

La situation de la Seine-Saint-Denis confine même à l'absurde : le département a des dépenses sociales qui ne cessent de grimper (796 euros par habitant en 2012 contre 528 euros dans les Hauts-de-Seine), en raison notamment des dépenses de RSA (revenu de solidarité active) qui vont y progresser de 6% cette année. Cerise sur le gâteau, elle sera donc ponctionnée fiscalement... Stéphane Troussel, le successeur de Claude Bartolone à la présidence du conseil général du 93, a le net sentiment d'être étranglé. Il ne peut pas s'en sortir. « Augmenter les taxes sur le foncier bâti? Un point d'augmentation, c'est 3 millions d'euros, explique- t il. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Il faut revoir tout le mécanisme. Depuis 2004, 80% des hausses d'impôts locaux ont été votées en Seine-Saint-Denis pour financer les dépenses obligatoires. Si on ne revoit pas le mécanisme des allocations nationales, on est mort! »D'autres mécanismes de péréquation pourraient certes être mis en place, ne serait-ce qu'au niveau régional entre Franciliens. Mais la question est hautement politique. « Pour l'instant on met des rustines avec la loi de finances, et l'administration se réfugie derrière la complexité de la fiscalité », explique Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, qui a demandé un moratoire et de nouveaux modes de calcul. « C'est n'importe quoi! S'emporte-t-il. Dans les Côtes-d'Armor, je viens de me retrouver "nouveau riche", et avec 3 millions d'euros en moins, tous fonds de péréquation confondus. Mais je me suis aperçu qu'en bougeant un tout petit peu les critères je gagnerais 4 millions! Il n'y a aucune complexité technique. C'est une question de volonté politique. Les techniciens sont là pour mettre en place des outils de répartition de la richesse qui fonctionnent. Là, ils ont failli. Il faut tout recommencer tant qu'ils n'arrivent pas au résultat politique souhaité. »

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Repères :

Le potentiel Fiscal
instauré par raymond barre en 1979, c'est un calcul un peu complexe, supposé donner à l'administration la masse de recettes que la collectivité (commune, département, etc.) serait en mesure de mobiliser si elle appliquait des décisions « moyennes » en termes de fiscalité. Mais si raymond barre en avait sagement exclu la taxe « politique » (car votée par les collectivités) sur le foncier bâti, nicolas Sarkozy l'a réintroduite. et le système est devenu fou?!

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)
Créée en 2010, la CVAE a pour objectif de compenser les pertes de recettes subies par les collectivités locales, à la suite de la sup-pression de la taxe professionnelle, décidée par Nicolas Sarkozy. Son calcul se fonde sur l'appréciation du potentiel fiscal établi par l'administration.

Commentaires 3
à écrit le 27/10/2012 à 18:22
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Il faut toutefois préciser que Neuilly participera à hauteur de 36,4M? au FNGIR et que Bobigny recevra 6,5M? de ce fonds de compensation. Il aurait été plus judicieux de prendre comme exemple le SAN de Saint Quentin en Yvelines

à écrit le 25/10/2012 à 17:46
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je trouve beau cette version de la soldarité sarkozienne

à écrit le 25/10/2012 à 14:58
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L'intelligence du président des riches.L'ami de la France des riches, le camarade Nicolas 1er De Naguy Bocsa.

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