La chronique du jour : "Coupe-coupe"

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«Des canards à la tête coupée, qui ne pourront même plus courir.» De quelle basse-cour parle-t-on? De la banque. C'est Frédéric Oudéa, patron de la Société Générale, qui, jeudi à l'occasion des «entretiens de l'Autorité des marchés financiers (AMF)», excédé par la régulation tatillonne -Bâle III, séparation des activités...- risquant de plomber le secteur financier européen en 2013, a utilisé un tel raccourci.

Depuis la crise financière de 2008, les banques sont dans le collimateur des Etats et des opinions publiques, accusées d'être à l'origine de la crise actuelle. Ces mêmes Etats sont d'autant plus prompts à manier le couteau de la régulation qu'ils n'ont trouvé rien à redire à l'époque. De leur côté, les Américains ont décidé qu'il était urgent d'attendre avant notamment d'imposer le renforcement des fonds propres à leurs établissements, une des mesures phares de Bâle III. Conséquence, des deux côtés de l'Atlantique, va se créer une distorsion de concurrence.

Bref, la plupart des établissements bancaires européens, notamment français, qui continuent à engranger des bénéfices, ce qui est tout de même mieux que de se retrouver dans la situation d'un PSA par exemple, devraient continuer à courir... moins vite. Mais peut-être la phrase de Frédéric Oudéa lui a été dictée par son inconscient. Anticiperait-il que la pression croissante que va exercer cette nouvelle régulation pourrait conduire à faire tomber ceux qui sont à la tête des banques si les résultats n'étaient pas finalement au rendez-vous?

Couper c'est aussi l'idée qui planait en début de semaine à Bruxelles lors de la rencontre des ministres des Finances à propos de la colossale dette grecque. Malgré une substantielle coupe l'année dernière, qui a obligé les investisseurs privés à prendre une partie de leurs pertes sur leur obligataire grec, cela ne sera pas suffisant pour permettre à la république hellène d'avoir une dette équivalent à 120% de son PIB en 2020. Le fardeau est trop lourd. Mais cette fois-ci, les Etats prêteurs européens, autrement dit les contribuables, devront à leur tour prendre leurs pertes.

Or, une telle option risque d'accroître le ressentiment des citoyens, notamment dans le nord de l'Europe, qui depuis le début de cette crise refusent de payer pour la Grèce. Cette opinion soutenue par exemple en Allemagne par une presse populiste, pourrait se transformer en ressentiment généralisé contre ceux qui ont géré cette crise depuis 2010, et le faire payer dans les urnes, notamment à la chancelière Angela Merkel qui veut se faire réélire en septembre prochain.

Aussi, selon la Süddeutsche Zeitung, les ministres des Finances de la zone euro imagineraient un autre scénario. Constatant qu'il n'est plus possible d'accorder de nouveaux prêts à Athènes -ce qui expliquerait que la tranche de 31 milliards d'euros qui aurait dû être débloquée au deuxième trimestre soit toujours suspendue- , ils opteraient pour un «transfert financier», un simple don.

L'avantage serait d'éviter à la Grèce de voir le poids de sa dette continuer à enfler, et de stabiliser ses comptes publics pour mettre fin à la spirale infernale austérité-récession qui l'enfonce chaque jour davantage. Quitte à perdre de l'argent, autant que cela soit pour un objectif crédible. Si un tel scénario était retenu, il resterait à le faire accepter aux opinions. De toutes façons, dans les deux cas, les citoyens européens devront mettre la main à la poche. Ils n'y couperont pas!

Commentaire 1
à écrit le 16/11/2012 à 20:09
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Excellente chronique ! bravo

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