Comment Manitou est redevenu grand

Les clés de la compétitivité retrouvée du leader mondial de la manutention tout terrain ? La mobilisation des savoir-faire, la qualité des produits et l'optimisation du réseau de distribution.
Copyright Reuters

Dimanche 16 septembre. Face à Arnaud Montebourg, Jean-Christophe Giroux, le directeur général de Manitou, est invité sur le plateau de l'émission Capital (M6) consacrée à « ces Français qui résistent à la crise ». « Ce soir-là, au moins, le ministre pouvait être heureux de ne pas avoir face à lui un patron confronté à la mise en ?uvre de plans sociaux... », glisse un des membres du staff de Manitou, leader mondial de la manutention tout terrain, basé à Ancenis (Loire-Atlantique).C'est vrai que les heures sombres sont (presque) déjà loin. Au lendemain de la crise de 2008-2009, la moitié de son marché s'est évaporée. En deux ans, le chiffre d'affaires du groupe passe de 1.593 millions d'euros à 684 millions : 670 emplois doivent être supprimés dans le monde, dont 300 en France. « Crise économique, financière, familiale... ça n'allait pas fort », reconnaît, Jean-Christophe Giroux, ex-DG d'Alcatel-Lucent appelé à la rescousse d'un groupe fondé par la famille Braud il y a plus de soixante ans.

Les deux tiers du CA sont réalisés à l'export

« Les fondamentaux étaient et sains. Le savoir-faire indéniable, le marché protégé, la marque et le réseau de distribution constituaient une vraie force, et les gens sont des passionnés », analyse l'homme du redressement, qui n'appartenait ni à la famille, ni au métier, ni à la région... « Il a fallu lever les craintes, ex-plique-t-il, faire prendre la mesure du potentiel, sans révolution interne. On n'a rien passé par-dessus bord, rien cédé, rien fermé, mais on a préservé, adapté et serré les dents jusqu'au retour de la croissance. »Présent dans 120 pays, le groupe s'appuie sur 8 sites de production, 19 filiales, 1?400 concessionnaires et emploie, aujourd'hui, 3.300 personnes dans le monde, dont 50% en France. Jean-Christophe Giroux organise des plans d'actions mobilisateurs annuels, baptisés Manitou Up (2010), Manitou Next (2011), Manitou More (2012). Le prochain sera dévoilé en janvier prochain. Dans un groupe familial jusque-là plutôt introverti, le nouveau directeur général veut amener Manitou sous les projecteurs. Il s'entoure d'un cabinet de presse parisien, et lance, en mai dernier, une convention baptisée « The Festival » à Punta Umbria, dans le sud de l'Espagne. Une plate-forme d'échanges, façon marché du film du Festival de Cannes, où se pressent 1.400 partenaires.« Dans une entreprise où les croissances varient de +20 à -20% par an depuis quinze ans, il a fallu adapter nos bases industrielles pour répondre à ces fluctuations tout en misant sur la qualité et la fiabilité de nos engins. Le soin apporté à l'ergonomie des matériels, la demande de sur-mesure dans différents pays et enfin l'optimisation du réseau de distribution qui doit se comporter comme s'il faisait partie de la maison... sont nos leviers de croissance! », affirme Jean-Christophe Giroux, dont le groupe réalise les deux tiers de son chiffre d'affaires à l'export.
Les trois divisions du groupe (manutention tout terrain, manutention industrielle, équipement compact) se sont engagées dans un important processus de refondation, avec le concours des cabinets de consultants Kepler pour la gestion des approvisionnements et Chorège pour l'organisation de la chaîne logistique.
Objectif : gagner en fluidité et raccourcir les délais de livraison de 30 à 16 semaines. « Nous nous appuyons désormais sur une organisation matricielle et réfléchissons par lignes de produits, de manière plus transversale, en liaison directe avec les 19 filiales commerciales », explique Éric Lambert, président de la division manutention tout terrain, qui concentre les deux tiers de l'activité du groupe.

« Rayonner », ou comment optimiser l'exportation

Une solution qui veut répondre aussi aux ambitions d'un groupe international rayonnant sur trois zones géographiques (Europe, États-Unis-Canada, Asie-Moyen-Orient), et non plus d'une entreprise française qui travaille à l'export. « L'ensemble des marques Manitou, Gehl, Mustang et Edge nous crédibilise et nous différencie de la concurrence », indique Henri Brisse, vice-président Sales & Marketing.
Après une année 2011 en hausse de 35?%, Manitou, qui ambitionne de doubler son chiffre d'affaires à trois ans, a réalisé un premier semestre 2012 à +20?% et devrait finir l'année entre +10 et +15%. Tous les indicateurs sont passés au vert. Le centre de formation a accueilli plus de deux mille stagiaires en deux ans et depuis 2010, le groupe a recruté 658 personnes. Soit presque autant que le nombre de postes supprimés au plus fort de la crise.

____

25 rapports sur la compétitivité depuis 2005?!
La mission de Louis Gallois est loin d'être la première du genre. Depuis 2000, une multitude de rapports pointant le décrochage de la compétitivité française ont été dévoilés.Entre 2000 et 2005, deux études ont été notamment publiées, l'une en 2001 par le Commissariat au Plan titré Compé titivité globale : une perspective franco-allemande, rapport du groupe franco-allemand sur la compétitivité, l'autre en 2003 par le Conseil d'analyse économique (CAE), inti-tulé sobrement Compétitivité. Puis le rythme s'est accéléré. Depuis 2005, ce ne sont pas moins de vingt-cinq rapports qui ont été remis à l'exécutif?! Leurs auteurs sont nombreux et prestigieux : des parlementaires, des institutions, des économistes, réunis en cercle ou isolés, des experts rassemblés en commission, des think tank, tous ont alerté les différents gouvernements sur la perte de vitesse de l'économie française. Sans succès.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.