En Guyane, Shell cherche de la main-d'oeuvre

Après la découverte historique de pétrole au large de la Guyane française il y a un an, Shell prépare le recrutement local. Un enjeu crucial pour cette région au taux de chômage trois fois plus élevé qu'en métropole.
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Le conseil régional de Guyane harangue la jeunesse de Cayenne : « Êtes-vous faits pour travailler un jour dans le pétrole?? » peut-on lire sur ses affiches. Un Forum des métiers du pétrole, organisé mardi 23 octobre, a été spécialement ouvert aux jeunes afin de leur présenter les différentes professions de cette industrie, de leur faire rencontrer les entreprises du secteur d'ores et déjà présentes en Guyane et de leur indiquer les filières de formation. L'opération a rencontré un succès certain, puisqu'elle a attiré un millier de visiteurs.
L'initiative, pourtant, aurait pu paraître pour le moins prématurée, quand on sait que le consortium mené par Shell est seulement en train de percer son deuxième forage d'exploration (trois autres au minimum sont prévus), afin de cerner les réserves d'or noir qui dorment au large du départe-ment-région français d'outre-mer. Au mieux, les premières gouttes de pétrole jailliront du fond de la mer en... 2019. Si « tout va bien », ne cesse de nuancer Shell. La compagnie, associée à Total et au britannique Tullow, a cependant annoncé en septembre 2011 la découverte d'importantes quantités de pétrole à 150 kilo mètres des côtes et à 6?kilomètres sous le niveau de la mer. Si les réserves sont loin d'être évaluées, le temps est déjà compté pour le recrutement.

Cinq années d'expérience requises au minimum

« Pour former un technicien autonome sur une plate-forme o° shore, il faut une première expérience préalable de cinq ans », explique Gilles Amiard, directeur du développement de Shell à Cayenne. Et auparavant, deux ans d'études sont nécessaires pour décrocher un BTS ou un DUT. « C'est maintenant que les étudiants doivent y penser et préparer leurs inscriptions », précise-t-il.
Shell ne ménage pas ses efforts. La major sait que sa capacité à accueillir des salariés guyanais sera un élément clé de son acceptation locale, mais aussi de ses négociations à venir avec Paris, notamment autour de la fiscalité. La compagnie pétrolière s'est d'ailleurs prudemment gardée d'énoncer le moindre objectif en la matière. Même si Patrick Romeo, le président de Shell France, a précisé dans un entretien au quotidien régional France Guyane en décembre 2011 : « La priorité sera toujours locale à compétences égales. Reste donc à mettre en place les formations et les infrastructures ad hoc. Si c'est le cas, Shell pourrait mener en Guyane la même politique qu'aux Philippines, où elle exploite du pétrole avec 75% d'emplois locaux. »Si ce chiffre peut faire rêver les élus d'un département qui compte un taux de chômage trois fois plus élevé qu'en France métropolitaine, et une région où un jeune sur deux ne travaille pas, il reste à prendre avec des pincettes. D'abord parce qu'en valeur absolue cela ne concerne pas tant d'emplois que cela, si on se fi e aux prévisions de Shell. En additionnant les emplois directs (200 salariés pour le consortium, dans la phase production), indirects (les sous-traitants pour la logistique, le support, la maintenance... soit 400 personnes) et les emplois induits par cette nouvelle activité (restauration, hôtellerie... 200 emplois), on arrive à un total de 800 emplois. Certains misent même plutôt sur 600. « Ce n'est pas négligeable si on compare aux 1?500?emplois de la base spatiale de Kourou », fait cependant remarquer Patrick Romeo.
L'autre bémol porte sur la capacité de la région à former les jeunes diplômés en question. Si 11% de la population active a décroché son bac (selon des chiffres de 2007), 47% des jeunes actifs de 25 à 34 ans n'ont pas de diplôme. Seul territoire francophone du continent sud-américain, la Guyane compte 250.000 habitants, dont un tiers viennent des pays voisins. Plus de 20 langues y sont parlées quotidiennement.

Une opportunité pour les cadres

Un atout, cependant : les filières de formation développées pour le centre spatial de Kourou pourront être mises à contribution. « Les métiers de génie électrique, informatique industrielle, réseaux, maintenance, sont très proches dans les deux secteurs », affirme Gilles Amiard. Cette année, 145 étudiants sont inscrits à Kourou dans ces filières DUT et BTS.
Reste à prévoir la formation pratique. « Nous étudions avec nos partenaires comment mettre en place des recrutements anticipés pour que ces jeunes puissent acquérir l'expérience préalable indispensable », déclare le directeur du développement local. Schlumberger, Sara (qui exploite une raffinerie en Martinique et le dépôt pétrolier de Guyane), Endel et Cegelec (maintenance industrielle), le Cnes et l'UEBS (centre spatial), Ribal (groupe Colas de génie civil) ont participé, autour de Shell, au Forum du 23 octobre. Ils se sont même prêtés à l'exercice du speed networking, 5 minutes pour que le jeune se présente... Enfin, Kourou sera également mis à contribution comme vivier de cadres. « Le projet de Shell pourra fournir un potentiel d'évolution à des managers du centre spatial », sourit Gilles Amiard. Pour les cadres qui veulent rester sur place, les opportunités ne courent en e° et pas les rues.

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Repères :

2001 : Permis d'exploration attribué au pétrolier australien Hardman.
2005 : Première campagne sismique, sans succès.
2009 : Le britannique Tullow, qui a racheté Hardman en 2007, fait entrer dans le permis Shell et Total.
2010 : Deuxième campagne sismique, concluante cette fois.
Septembre 2011: Tullow évalue les réserves à 700 millions de barils de brut. Shell s'en tient à 300 millions de barils.
1er févrer 2012 : Shell devient opérateur du permis, avec 45 % des parts, aux côtés de Tullow (27,5 %), Total (25 %) et Northpet (2,5 %).
Juin 2012 : Nicole Bricq, ministre de l'Écologie et de l'Énergie, suspend le permis entre les deux tours des législatives. Ce «?moratoire?» est vite suspendu à son tour. Delphine Batho remplace Nicole Bricq.
Juillet 2012 : Shell lance deux autres campagnes sismiques et un deuxième forage. Trois autres forages sont prévus en 2012-2013. Le programme d'exploration est évalué à 500 millions de dollars.

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