PME : l'union fait la force... de frappe

S'épauler, s'ouvrir de nouveaux marchés, partager des investissements : nombre de petites entreprises choisissent de sortir de leur isolement. Aucun ne le regrette.
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«Dans le numérique, personne ne sait tout faire et j'ai toujours pensé qu'on était plus forts ensemble que tout seuls », raconte Guillaume Beyens, le PDG de Cienum, un petit groupe de Saint-Étienne spécialiste des services et des technologies Internet.
« Il nous a fallu franchir certaines barrières psychologiques, mais maintenant, nous avons la capacité de répondre à plusieurs à des appels d'offres pour des marchés plus importants, ajoute Faouzi Doghmi, président du groupe de construction mécanique MCM, à Ancerville, dans la Meuse.« Pour moi, l'avenir est dans le groupement, insiste Gilles Pernoud, qui dirige avec son frère la société familiale Georges Pernoud, à Groissiat (Ain), spécialiste des moules pour la plasturgie. Un chef d'entreprise tout seul a du mal à prendre des décisions. Et, dans notre profession, où les équipements industriels coûtent cher, s'associer permet de se serrer les coudes et d'accroître la rentabilité en augmentant le taux d'occupation des machines. »

Numélink, premier cluster numérique labellisé UE

Ces trois dirigeants de PME en sont convaincus, l'avenir passe par des associations entre entreprises d'un même secteur et d'une même région. Et tous trois ont activement participé à la création de groupements plus ou moins formels. Pour Guillaume Beyens, l'aventure commence en 2002 lorsque, avec treize autres dirigeants de PME, il lance le Club des acteurs du numérique de la Loire. « Notre objectif était de montrer qu'il se passait des choses dans le numérique à Saint-Étienne, et pas seulement à Lyon ou à Grenoble, explique-t-il. Et aussi d'accompagner le conseil général dans le déploiement du très haut débit sur le territoire. »Le Club participe au choix de l'opérateur chargé d'installer la fibre optique puis, en 2005, à celui du gestionnaire du réseau. Il propose à ses adhérents un système de veille très performant sur les appels d'offres publics et la « possibilité de monter ensemble des projets collaboratifs tout en réduisant les risques », précise le patron de Cienum. Avec deux autres PME voisines, SFI Multimedia et Doing, son entreprise a ainsi mis au point un système d'affichage dynamique, Neotess, installé notamment par Volvo sur son site de Belley (Ain), par la société de gestion des remontées mécaniques S3V ou par la préfecture du Cantal.
Très vite, le Club grossit. Rebaptisé Loire Numérique, puis Numélink début 2011, il fédère aujourd'hui 160 entrepreneurs, « soit 40% de la totalité de la filière locale », indique Guillaume Beyens. Retenu comme « grappe d'entreprises » lors de l'appel à projets lancé par la Datar en 2009, Numélink est aussi le premier cluster numérique à avoir obtenu un label européen, « à l'issue d'un audit très poussé ».Pour Cienum, qui réalise 8 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 75 salariés, cette collaboration sur des projets a eu une autre conséquence. « J'ai racheté deux sociétés avec lesquelles j'avais travaillé au sein de Numélink, raconte le dirigeant. Fusionner n'était pas l'objectif au départ, mais quand on se rend compte qu'on partage les mêmes valeurs et qu'on a des savoir-faire complémentaires, cela peut être une bonne solution. Mon associé principal actuel a participé lui aussi à la création de Loire Numérique. À l'époque, on était en pleine concurrence et on ne se parlait pas. Mais on a appris à se connaître et à s'apprécier. Et le jour où il a eu des difficultés, il s'est tourné naturellement vers nous. »

Areva et EDF ont été sollicitées

Dans la Meuse, c'est le projet de création du laboratoire de stockage de déchets nucléaires de Bure qui incite cinq entrepreneurs, dont Faouzi Doghmi, à se fédérer en 2007. La création de ce site oblige en effet Areva, EDF et l'Andra (l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) à soutenir l'activité économique des deux départements concernés, la Meuse et la Marne. « Au départ, ces financements semblaient plutôt orientés vers les infrastructures et la gestion de l'urbanisation, raconte Faouzi Doghmi. Les industriels locaux se sont donc inquiétés. Cela n'a pas échappé à Gérard Longuet [sénateur de la Meuse, NDLR], qui a organisé une première rencontre avec EDF, Areva et l'Andra. Et c'est de là qu'est née l'idée d'une association regroupant les PME locales susceptibles de travailler à terme pour ces donneurs d'ordre. Cela s'est créé de façon un peu empirique, avec une forte connotation métallurgique parmi les entreprises, mais aussi des sociétés aux activités très variées allant des vendeurs de photocopieurs aux artisans du bâtiment ou du transport ». Energic ST 52/55 grandit très vite, en effet, pour arriver à 88?adhérents fin 2011 et à une centaine aujourd'hui. Et elle se structure pour aider ses membres à se positionner sur ces marchés de l'énergie, tout nouveaux pour eux. « Au départ, nombre d'entre nous n'imaginaient pas possible de le faire. Pourtant, fin 2011, ces marchés représentaient 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, tous adhérents confondus », indique Faouzi Doghmi.

Un plus pour répondre aux appels d'offres

Mais plusieurs adhérents à Energic, et notamment MCM, décident de ne pas en rester là. « À partir de 2010, nous nous sommes interrogés sur la façon de franchir des paliers supplémentaires dans les appels d'offres, poursuit Faouzi Doghmi. Et nous avons considéré qu'il devenait impératif qu'un certain nombre d'entre nous apprennent à travailler ensemble.?» Deux GIE sont donc créés en 2011, l'un rassemblant cinq PMI travaillant dans le levage et la manutention, et l'autre fédérant quatre sociétés capables de prendre des marchés en maintenance et hydraulique.MCM fait partie de ces deux GIE. « Cela nous donne la capacité de remporter des marchés plus importants, indique son PDG. Nous visons des marchés très ciblés et c'est le GIE qui assure la gestion pour l'ensemble de ses membres, avec des règles acceptées par tous ». Grâce à ces groupements, le groupe MCM, qui emploie 75?personnes, réalise désormais 30% de ses 6,5 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'énergie. Gilles Pernoud, de son côté, a préféré aller beaucoup plus loin que cette structure de GIE. Lorsqu'il se retrouve, en 1994, à la tête de l'entreprise fondée par ses parents, il décide de poursuivre sa formation en gestion. « Durant ces cours du soir, j'ai eu l'opportunité de rencontrer deux autres chefs d'entreprise, moulistes comme moi, et l'idée nous est venue de mutualiser un certain nombre d'investissements que chacune de nos PME ne pouvait pas s'offrir seule, raconte- t-il. Par exemple l'embauche d'un acheteur ou d'un informaticien. »En 2001, les trois PME (Antisea, Grosfilley et Pernoud) créent AGP, une société par actions simplifiée dont chacune détient un tiers et qui fonctionne comme une structure de service à disposition des trois moulistes.
Deux filiales sont également constituées : AGP Fil, qui regroupe des moyens industriels communs, et AGP Inde, qui dessine pour les trois sociétés. En 2003, Antisea, en dépôt de bilan, sera remplacée par Collomb, un mouliste spécialisé dans les pièces de grande taille.

Les résultats sont là : le CA a triplé en dix ans

« Avec la création de cette SAS, nous avons pu embaucher un informaticien et un directeur commercial pour l'ensemble du groupe, poursuit le patron de Pernoud. Nous avons aussi créé un système de navettes pour livrer les outillages ou transférer des éléments de site à site. Chaque fois qu'on le peut, on mutualise. Quand une des sociétés a trop de travail et des heures à sous-traiter, elle les propose aux deux autres. Si bien qu'on ne refuse aucune a? aire » Cette mutualisation porte ses fruits : «?En 2001, nos trois entreprises réalisaient au total 7?millions d'euros de chiffre d'affaires avec 70 salariés, indique Gilles Pernoud. Aujourd'hui, nous sommes passés à 20 millions avec 180 personnes. »Malgré le succès de ce ménage à trois, Gilles Pernoud a décidé d'aller plus loin encore pour sa propre société (100 salariés et 11?millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés à 70?% dans l'automobile) et de rejoindre un groupement plus vaste, Mécabourg, créé en 2002 et rassemblant une soixantaine d'entreprises de mécanique, de métallurgie et de carrosserie industrielle de l'Ain. Ses motivations : «?Participer à la vie locale, aider à pérenniser son tissu industriel, apporter mes services et bénéficier en échange de la forte expérience en mécanique de ce cluster. »Premier effet pour Gilles Pernoud de ce nouvel engagement : son entreprise sera pour la première fois présente au Midest, le grand salon de la sous-traitance industrielle, qui se tiendra à Villepinte du 6 au 9?novembre. Sur le stand de Mécabourg. « Cela nous permettra de nous faire connaître, de montrer ce qu'on peut apporter au marché », se réjouit le dirigeant.

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