Taxe et morale

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Un vote au parlement européen en novembre derneir. Copyright Reuters

Une fois n'est pas coutume, l'Europe s'est mise d'accord. Pour taxer les transactions financières. Ce projet, qui tenait tant au coeur du président Nicolas Sarkozy, a été massivement approuvé mercredi par les députés du parlement européen, par 533 voix contre 91, et 32 abstentions. Parmi les opposants, on compte les grincheux députés eurosceptiques britanniques qui veulent protéger égoïstement la compétitivité de la City de Londres. Evidemment, la capitale britannique serait la première contributrice à ce nouvel impôt. Et sa première victime.

Pourtant, à première vue, cet impôt ne ressemble pas à une hémorragie. Les taux seront faibles, de 0,1% sur les échanges d'actions et d'obligations et de 0,01% sur les échanges de contrats dérivés. L'impôt s'appliquera à toutes les transactions entre institutions financières (banques, Bourses, sociétés d'investissement, compagnies d'assurance, hedge funds), du moment qu'une des parties au moins est établie dans l'Union européenne... et quelque soit le lieu de la transaction.

La taxe a fait cependant un tabac chez les eurodéputés. C'est qu'elle permet de désigner à nouveau le monde financier dans son ensemble comme les coupables de la crise, les politiques s'exonérant ainsi à bon compte de leurs responsabilités. Car le choix d'une telle taxe apparaît en effet davantage motivé par des considérations morales que par la logique économique.

Nous en voudrons pour preuve que si le principe en est arrêté, le montant de ce qui pourrait être levé et l'affectation des recettes de cette nouvelle taxe restent encore à déterminer. Selon l'ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam, elle pourrait rapporter 37 milliards d'euros par an, tandis que le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, l'estime à 10 milliards d'euros. Un tel écart laisse songeur. Quant à l'affectation de cette taxe, Paris souhaite que ce soit le budget européen qui en bénéficie, mais Berlin s'y oppose. Schéma classique ces temps-ci en Europe, et qui augure mal du lieu où finiront ces sommes.

Reste que la tendance à la « moralisation du capitalisme », comme aimait tant à dire Nicolas Sarkozy, ne faiblit pas. Et la perquisition du siège francfortois de la Deutsche Bank, ce mercredi, dans le cadre d'une enquête sur la fraude fiscale ne va pas redorer le blason du monde de la finance. Si même les banquiers allemands faillissent, c'est qu'assurément, on ne peut se fier à personne.

Deux hauts responsables de la banque ont d'ores et déjà été mis en examen, Jürgen Fitschen et Stefan Krause, et en tout 25 personnes sont soupçonnées.

La police enquête notamment sur une fraude organisée à travers les transactions de quotas de CO2 sur les marchés dédiés. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle se faisait à travers une manipulation de la TVA. Une taxe favorisant le blanchiment et l'évasion fiscale, voilà qui ne manque pas de piquant. Le comble aurait été que si les taxes sur les transactions avaient existé, elles auraient alimenté un fonds avec de l'argent sale. Pas très moral ! 

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