L'Europe, la dynastie Ming et la croissance

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La chancelière Angela Merkel lors de son discours de soutien au candidat CDU David McAllister, à Brunswick le 5 janvier. Il s'agit d'un scrutin régional en Basse-Saxe, qui se tiendra le 20 janvier. Copyright Reuters

Les mots croissance et emplois font partie de l'indispensable vocabulaire du leader politique en campagne. En 2012, alors candidat du parti socialiste, François Hollande avait martelé la nécessité d'inscrire en priorité sur l'agenda européen un volet croissance. Et il comptait bien le dire à Angela Merkel en personne, en se rendant à Berlin, la chancelière étant coupable à ses yeux de ne vouloir qu'une funeste politique d'austérité qui à entendre le candidat socialiste était la cause des malheurs de la zone euro. Le résultat fut plus d'affichage que réel.


Pourtant, François Hollande se trompait. Angela Merkel, qui briguera en septembre, lors de la tenue des élections, un troisième mandat, a en effet indiqué haut et fort de lors de son premier discours, que ses thèmes de campagne porteraient en priorité sur les créations d'emplois, plutôt de haut niveau, et la croissance économique.

Créer des emplois et de la croissance, c'est ce que tout le monde veut faire en Europe. Pourtant, jusqu'à la crise de 2008, cette même croissance était décriée, car elle était une mauvaise mesure de la richesse d'un pays, les uns prônant carrément une « décroissance », d'autres exigeant un indicateur intégrant d'autres critères pouvant aller jusqu'à la mesure du bonheur. Parmi ceux-là, on comptait l'ancien président Sarkozy qui à l'époque favorisa la constitution d'un groupe de travail avec, excusez du peu, deux prix Nobel d'économie, Amartaya Sen et Joseph Stigliz, pour mettre en place un indicateur scientifiquement irréprochable plus représentatif de ce bon PIB tant décrié.

Aujourd'hui donc, le PIB n'est plus critiqué, on veut simplement qu'il augmente. Pour créer cette richesse, il faut - on le sait : trop d'impôt tue l'impôt - éviter de trop la ponctionner. Le gouvernement français, par la voix de son ministre du Budget Jérôme Cahuzac, semble s'être rangé à cet avis puisqu'il a assuré dimanche qu'il n'y avait « pas d'augmentation d'impôts prévue ou prévisible, envisagée ou envisageable », d'ici la fin du quinquennat de François Hollande. En revanche, le ministre s'est bien gardé d'indiquer s'ils baisseraient, autrement dit la situation de 2013 va se perpétuer, au moins jusqu'à 2016, « où les prélèvements commenceront à baisser », comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques. Mais 2016, c'est loin.

Moins loin que la dynastie Ming en Chine (1368-1644), qui s'effondra en raison de sa stratégie mercantiliste (la Chine vendait ses produits aux puissances occidentales mais ne leur achetait rien). Mais c'est pourtant à elle que le journaliste scientifique Matt Ridley compare l'Europe actuelle. La dynastie Ming, il faut le rappeler, caractérise la période la plus stable de l'histoire de l'Empire du Milieu.

L'auteur du best-seller mondial « The Rational Optimist » - qu'aucun éditeur français n'a voulu traduire - redoute en effet que dans un monde où la situtation globalement s'améliore, l'Europe, elle, s'appauvrisse.

Pour expliquer sa sombre prophétie, Matt Riddley répond : « bureaucratie et superstition ». Il compare ainsi l'élite dirigeante européenne aux mandarins de l'époque des Ming, plus soucieux de leur rang que du progrès de la société, qui pourraient par ce non agir « transformer un déclin relatif en déclin absolu », avec une possibilité que « d'ici 10 ans, le monde soit 50% plus riche mais l'Europe 50% plus pauvre ».Car sans un retour à la croissance économique, les pays européens n'auront d'autre choix que de faire défaut sur leurs dettes.

A partir de sa propre expérience quotidienne, même partielle, Riddley remarque qu'un des effets pervers de la crise est que la bureaucratie, qui risque de voir ses prérogatives remises en cause, devient de plus en plus tatillonne, en particulier l'obtention de diverses autorisations administratives dont ont besoin les entrepreneurs.

Si Riddley parle avant tout de son pays, la Grande-Bretagne, la situation est la même dans nombre de pays du Vieux continent.

Ce qui l'inquiète le plus en tant que scientifique c'est la montée en puissance d'une défiance généralisée contre le progrès comme le montre par exemple le rejet des OGM. Or l'innovation, source de croissance économique, passe par le progrès scientifique.

Mais cet obscurantisme ne concerne pas uniquement le domaine scientifique. « De toutes les superstitions, la plus grande est certainement le culte de l'euro » qui se traduit par « le sacrifice de la croissance, de la jeunesse et de la vérité sur l'autel d'une monnaie simple », assène Matt Ridley.

Voilà qui risque de déplaire fortement à la grande majorité des mandarins européens qui ne jurent que par la défense de la monnaie unique, seul viatique, à leurs yeux, pour renouer avec la croissance économique !

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Commentaire 1
à écrit le 06/01/2013 à 23:09
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Parceque kes anglais sans Euros et avec leur "esprit d'entreprise" ils ont une meilleure croissance ? Non et dans le futur leur croissance redemarrera un jour ... Comme pour les autres

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