Quelque chose ne tourne pas rond

La chronique quotidienne de la Tribune inspirée par l'actualité. Aujourd'hui, l'épargnant chypriote spolié, les élus français peu transparents, et le feuilleton du supposé compte suisse de Jérôme Cahuzac rebondit.
Vue générale de la partie grecque de Nicosie, capitale de Chypre. Copyright Reuters

Vendredi lors de la tenue du conseil européen, nombre de leaders se lamentaient de la montée du populisme après le résultat des élections italiennes. Et l'arrogance du Premier ministre hongrois, qui avait décidé de modifier la constitution du pays en lui ajoutant quelques articles à caractère peu démocratiques tout en narguant Bruxelle, alourdissait encore l'atmosphère. 

Il n'y a pas besoin d'avoir une boule de cristal pour deviner que ce populisme va encore propsérer, après la décision des ministres des Finances européens d'accorder une aide à Chypre. Qui avait dit que la crise de l'euro était finie ? François Hollande en janvier, visiblement mal inspiré.

0,2% du PIB de la zone euro

En effet, Chypre, qui pèse à peine 0,2% du PIB de la zone euro, sera le cinquième pays à passer sous la tutelle de Bruxelles et du FMI. Il va recevoir 10 milliards d'euros. Si maintenant le mécanisme est bien rôdé, on restera quand même surpris par certaines innovations.

Dans les conditions posées par Bruxelles et le FMI, figure en bonne place un taxe de 6,75% pour les dépôts bancaires de l'île inférieurs à 100.000 euros et de 9,9% au-delà. Cela rapportera 5,8 milliards d'euros, a indiqué le patron de l'Eurogroupe.

Colère de la population

Ce changement de règle s'apparente en bon français à une spoliation. Imaginez le chypriote qui, voyant que la situation de son pays se détériorait a préféré réduire son niveau de dépenses pour épargner et avoir une poire pour la soif, va au final se faire plumer jusqu'à quelque 10% de ses avoirs. Cela lui servira de leçon !

Face à la colère de la population, le gouvernement qui devait siéger dimanche a repoussé à lundi - un jour férié, les banques sont fermées - le vote du plan et des ses conditions.

Ce mécanisme est justifié par la volonté de limiter la participation des bailleurs de fonds internationaux, autrement dit les contribuables européens, allemands en tête, au sauvetage. De son côté, l'exécutif chypriote a avancé que cela évitait de couper dans les salaires et les retraites.

La taxe chypriote, un exemple à suivre ?

Ce nouveau tournant soulève deux questions pour l'Européen lambda. Premièrement, si demain, l'Italie, l'Espagne, voire la France (qui n'atteindra pas son objectif de réduction de déficit public de 3% du PIB cette année, se voient imposer des exigences de Bruxelles, leurs déposants ne seront-ils pas mis à contribution ? Le précédent chypriote rend plausible cette hypothèse.

Deuxièmement, depuis le début de la crise européenne, le secteur bancaire a été le maillon faible qui a nourri un « bank bashing » populaire. Or ce n'est pas tout le secteur bancaire qui est en cause mais certains directions d'établissements qui, par leur gestion irresponsable, ont fait chuter des économies, tant en Irlande, en Grèce, en Espagne, en Belgique, au Portugal, à Chypre. 

Paradoxalement, aucun responsable n'a été jusqu'ici sanctionné pour ses fautes de jugements, et la plupart sont restés en place.

Tout cela alimente le populisme, car on remarquera que, comme le disait George Orwell dans « La ferme des animaux », « certains sont plus égaux que d'autres ».

Manque de transparence chez les élus français

On retrouve cette forme d'impunité dans le monde politique. En Italie, de nombreux observateurs ont souligné combien le coût engendré par le personnel politique était trop élevé (par exemple, celui, d'un autre âge, de sénateur à vie!). Mais la France n'a rien à envier à l'Italie. Ainsi, dans son édition du week-end, nos confrères de Libération montrent dans une enquête réalisée auprès des députés et des sénateurs que les frais de mandat sont utilisés dans certains cas pour des finalités personnelles. Et visiblement l'auto-régulation des élus, dixit certains députés, reste une utopie. Pourtant un effort de transparence serait de nature à combattre le populisme.

La voix authentifiée

Le feuilleton du supposé compte suisse du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a connu ce week-end un nouveau rebondissement. Le site Mediapart assure en effet que la voix supposée du ministre enregistrée lors d'un conversation téléphonique faisant part de l'existence d'un tel compte à la banque suisse UBS a été authentifiée par les autorités judiciaires. Le ministre du Budget, de son côté, affirme ne pas être impressionné par ce qu'il qualifie "d'allégations".

Mais s'il avérait que celui-là même qui préconise - à juste titre - la réduction des dépenses publiques avait triché par le biais d'un compte en Suisse, cela ferait vraiment désordre en ces temps de fortes incertitudes.

En résumé, le populisme n'est pas tant une tare des opinions publiques que la conséquence des manquements des responsables.
 

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