Pourquoi les déboires du B787 risquent de coûter très cher à Boeing

La suspension de vol qui frappe tous les B787 peut durer longtemps. Le temps nécessaire à l'identification du problème de batteries, puis de la conception de la solution technique qui aura été trouvée, de sa certification et de son implémentation risque de prendre plusieurs mois. Un arrêt des livraisons d'avions entraînerait non seulement un risque d'annulations de commandes mais aussi de fortes pénalités à verser aux clients. Parallèlement, Boeing devra continuer à acheter des pièces aux fournisseurs pour les stocker afin de ne pas les fragiliser. Un scénario cauchemardesque pour le Dreamliner.
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L'immobilisation de la cinquantaine de Boeing 787, quatorze mois à peine après la mise en service du premier exemplaire, risque de coûter très cher à l'avionneur américain. Plusieurs milliards de dollars assurément. Sans même parler du déficit d'image. Combien exactement ? Impossible à dire. On en sait trop peu sur les anomalies rencontrées par ces batteries (dont certaines alimentent l'APU, le groupe auxiliaire de puissance qui, sur le tarmac, produit de l'énergie à bord des avions nécessaires à l'alimentation de différents systèmes et notamment pour l'allumage des moteurs). Tout dépendra du temps nécessaire pour identifier le problème, mais aussi pour concevoir la solution technique et obtenir sa certification, sans oublier la durée (et le coût) de l'implémentation.

Problème de production ou de conception?

Cela peut prendre de nombreux mois en raison non seulement de la complexité des systèmes de cet avion de nouvelle génération mais aussi de la variété des acteurs impliqués. Est-ce un problème intrinsèque à ces batteries fabriquées par le japonais GS Yuasa, ou au système électrique que fournit Thales et qui inclut les fameuses batteries ? Autrement dit, est-ce un problème de qualité (la production est mal faite) ou un problème de conception ? Les conséquences sont évidemment différentes selon la réponse. Il faudra peut être des jours ou des semaines pour le savoir. La seule décision de changer le fabricant de batteries nécessiterait entre12 et 15 mois de certification selon un expert.

Interruption des livraisons

Dans le pire des scénario, Boeing pourrait donc être amené à suspendre les livraisons d'appareils à ces clients pendant plusieurs mois. A raison de six à sept avions livrés par mois (un appareil valant au prix catalogue près de 240 millions de dollars) la perte de chiffre d'affaires grimperait très vite. A l'inverse, une telle interruption des livraisons se traduirait de facto par des décalages du calendrier de livraisons. Avec des fortes pénalités à clé. Elles seraient d'autant plus fortes en volume que le nombre d'avions et de clients sont importants. Le Dreamliner a été commandé à hauteur de 850 exemplaires par une bonne cinquantaine de compagnies.

Les compagnies demanderont des compensations financières

Ces pénalités s'ajouteraient aux compensations qui vont être négociées entre Boeing et les huit compagnies qui ont reçu l'appareil et sont forcées de les laisser sur le tarmac (All Nippon Airways, Japan Airlines, United, Lan Chile, Air India, Ethiopian, Qatar Airways, LOT). Le coût d'immobilisation de la flotte de B787 d'ANA s'élève à 1,1 million de dollars par jour selon Mizuho Securities. Les frais de location d'avions pour remplacer les B787, le surcoût de ces appareils, les nuits d'hôtels pour les passagers qui n'ont pu prendre l'avion..., rien ne sera oublié dans les négociations. Air India a déjà posé le sujet sur la table.

Sans parler du risque d'annulation de commandes de B787, cette interruption de livraison pourrait également faire le jeu de l'A330 d'Airbus. Cet appareil, certes vieux de plus 20 ans, est en en effet le seul dans ce segment d'appareils. Sa fiabilité est très appréciée. Et il a connu une seconde jeunesse en profitant des retards du B787 et de celui qui doit le remplacer, l'A350.

20 milliards de dollars de stocks

Face à tous ces coûts, Boeing pourrait-il éventuellement se retourner contre l'un ou les sous-traitants mis en cause ? Là aussi, très difficile à dire. « S'il s'agit d'un petit producteur de boulons, il ne sera même pas solvable », explique un dirigeant d'un industriel français. Quant à un gros, tout dépendrait des contrats. « Dans certains contrats, Boeing a clairement orienté les choix de certains fournisseurs », explique un expert.

En outre, en cas d'arrêt des livraisons, le constructeur devrait, selon un analyste, continuer à acheter à ses fournisseurs toutes les autres parties de l'avion afin de ne pas les fragiliser sur le plan financier et casser ainsi la supply chain (chaîne des fournisseurs). C'est ce qu'avait déjà fait Boeing pendant les déboires de la phase d'industrialisation. «A fin juin 2012, Boeing détenait en stock pour plus de 20 milliards de dollars d'ensembles et d'équipements d'avions », explique le même analyste, qui estime que cette valeur a dû se réduire avec les livraisons du deuxième semestre. Mais pas tant que cela compte tenu de la montée en cadence de la production qui était prévue pour 2013.

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Commentaires 2
à écrit le 24/01/2013 à 7:49
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excusez-moi mais l'APU d'un avion n'est pas positionné sur le tarmac. Mais dans la pointe arrière de l'avion

le 24/01/2013 à 15:06
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Je suis d'accord avec toi; l'APU des avions est généralement positionné à la queue...

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