Les banques, étouffées par le fisc ?

Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) évalue la fiscalité pesant sur le secteur financier. Selon les approches, celle-ci est en hausse... ou en baisse. En réalité, les impôts acquittés par le secteur de la finance ont progressé beaucoup moins vite que les profits, au cours des années 2000.
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Elles seraient assommées par les prélèvements obligatoires. Devenues de vraies vaches à lait du fisc, les banques ne pourraient plus, en conséquence, assurer leur rôle de financement de l'économie. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), organisme rattaché à la Cour des comptes, semble valider cette thèse.

Ses membres déconseillent de jouer outre mesure de l'arme fiscale pour tenter de réguler le secteur financier. Faire payer aux banques la garantie que l'Etat accorde à la fois sur les dépôts et, implicitement, à l'ensemble du secteur ? En théorie, il peut être utile de taxer les prises de risque par les banques, afin de les décourager. C'est d'ailleurs pourquoi une taxe systémique a été créée.

Mais, assure le CPO, aller plus loin supposerait de « disposer d'un niveau d'information très précis et actualisé en permanence ». En outre, « la logique de ce type de prélèvement, qui implique de faire varier le niveau et les caractéristiques de la taxe en fonction du degré de risque, n'est compatible qu'à certaines conditions avec le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt et soulève des interrogations au regard de la nécessaire stabilité fiscale », écrivent les auteurs du rapport.

Une présentation biaisée
Conclusion un peu rapide : la taxation des banques n'est pas une bonne chose. Du reste, elle a, déjà, beaucoup augmenté. Ne parle-t-on pas de 8 milliards d'euros supplémentaires, depuis 2010, par rapport à un niveau initial de 40 milliards d'euros ? « Cette présentation est biaisée », assure un membre du CPO, en expliquant que « jamais les banques n'ont payé une telle somme supplémentaire. La hausse est limitée à 2,3 milliards. »

De fait, le tableau figurant dans le rapport du CPO incite à nuancer ce chiffrage. La nouveauté, pour les banques, est l'instauration d'une "taxe systémique" , à hauteur de 810 millions d'euros, qui a été doublée à l'initiative du gouvernement socialiste. Soit 1,62 milliard d'euros supplémentaire à acquitter au fisc, à ce titre, en 2013. S'y ajoute une augmentation de la traditionnelle taxe sur les salaires dont s'acquitte le secteur financier, pour 400 millions d'euros, et une contribution de 125 millions d'euros au financement de l'Autorité de contrôle prudentiel.

Huit milliards d'euros... avec les taxes sur les complémentaires santé
D'où vient, alors, le chiffre de huit milliards d'euros ? Il prend en compte une hausse de la taxe sur le chiffre d'affaires de mutuelles offrant des complémentaires santé (un milliard), et l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (deux milliards), qui concerne également les mutuelles de santé. Et se trouve largement répercutée sur les assurés...

En outre, la taxe sur les transactions financières (1,6 milliard d'euros) est considérée comme supportée par le secteur bancaire, alors qu'elle est répercutée sur les clients des intermédiaires financiers. Enfin, ce chiffrage intègre une taxe sur la réserve de capitalisation qui est limitée à l'année 2013.

En fait, si l'on examine la fiscalité des banques sur une durée un peu plus longue, c'est la réalité d'une baisse de leur taxation qui s'impose. C'est le CPO qui le dit. « Entre 1999 et 2010, l'analyse quantitative montre que la croissance annuelle moyenne des prélèvements obligatoires acquittés par le secteur financier se situe à un niveau substantiellement inférieur à celle de sa production, de sa valeur ajoutée et, surtout, du solde de ses revenus primaires (notion proche de celle de bénéfice avant impôt) », peut-on lire dans le rapport.

Et de préciser : « Avec une croissance annuelle moyenne de 3,2 % entre 1999 et 2010, les prélèvements acquittés par le secteur ont évolué à un rythme inférieur à celui de sa production (+4,5 % en moyenne annuelle) et de sa valeur ajoutée (+3,6 %). Surtout, le rythme de croissance des prélèvements apparaît nettement inférieur à celui du solde des revenus primaires du secteur, qui s'apparente à une approximation du bénéfice avant impôts et qui croît en moyenne annuelle de 8,1% sur la période. »

Une baisse de la pression fiscale
+3,2% par an pour les impôts payés, +8,1% pour les profits... Si l'on prend en compte les revenus primaires du secteur financier, solde de comptabilité nationale proche de la notion de bénéfice avant impôt, force est de constater que la pression fiscale baisse sur l'ensemble du secteur financier : la part des profits ponctionnée par le fisc, principalement au titre de l'impôt sur les sociétés, est passée de 30,3% en 1999 à 18,2% en 2010, calcule le CPO.

Solidité de la finance, chute des profits des PME
Comment en conclure, alors, que les banques ont été assommées par les nouveaux prélèvements ? Il est vrai que la part des établissements financiers dans le total des prélèvements obligatoires augmente. Elle passerait, selon le CPO, de 4,9% en 2010 à 5,3% en 2013. Mais ce calcul intègre les huit milliards d'euros évoqués plus haut. Et cette hausse de la contribution du secteur financier reflète, en outre, la faiblesse de la base taxable, par ailleurs, dans les autres secteurs de l'économie. La plupart des PME affichent en effet des taux de marges, et donc des bénéfices, en baisse. Les indicateurs macro-économiques rejoignent sur ce point les analyses financières, micro-économiques.

Il ne faut peut-être pas assommer les banques par des impôts en hausse. Mais nul ne peut affirmer, en toute objectivité, que c'est déjà le cas.
 

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