Guerre des monnaies, vers un remake de la crise asiatique de 1997 ?

La guerre des changes en cours, en particulier avec la baisse du yen, pourrait potentiellement créer une crise monétaire en Asie, en se propageant aux pays dont la monnaie est liée au dollar. Les difficultés en Chine entraînées par une baisse des exportation et une correction sur son marché immobilier renforcent un tel risque.
Billets de 10.000 yens. Depuis septembre, la valeur de la devise japonaise a perdu 20% face au dollar.Copyright Reuters

La guerre des changes est en cours. Les efforts de la Fed pour faire baisser le dollar, et désormais ceux de la Banque centrale du Japon (BoJ), à la demande expresse du Premier ministre suscitent l'inquiétude. François Hollande considère l'euro surévalué, ce qui pénaliserait les exportations européennes.

Mais c'est plutôt l'Asie qui inquiète certains analystes, comme Steve Barrow et Jeremy Stevens, de la banque sud-africaine Standard Bank. Ces derniers vont même jusqu'à évoquer le spectre d'une crise proche de celle de 1997, qui avaient eu raison du dynamisme des fameux Tigres et autres Dragons.

 

Une dépréciation du yen que l'on n'avait pas vu depuis 1995

Or cette crise a débuté, il faut le rappeler, par une crise monétaire sur le baht thaïlandais. Une crise qui s'est ensuite propagée aux autres monnaies du sud-est asiatique : peso philippin, ringgit malais, roupie indonésienne.

 

Depuis la mi-septembre, le yen s'est déprécié de 20% par rapport au dollar. « La dernière fois, que le yen a baissé aussi vite, c'était en 1995, le dollar passant de 80 yen en avril 1995 à 127 yen deux ans après », rappellent les économistes de Barclays. Cette forte dépréciation, de presque 60%, s'était propagée à l'ensemble des autres économies asiatiques, qui connaissaient alors, il faut le souligner, d'importants déficits de leurs balances courantes.

 

Les banques centrales ont mis en place des accords de "swaps"

Certes, la situation n'est pas la même aujourd'hui, les pays membres de l'ASEAN (Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande et Vietnam) n'empruntent pas autant qu'à l'époque sur les marchés internationaux. Leurs banques centrales, en raison de l'expérience tirée de la précédente crise asiatique, ont amassé des réserves de change importantes. Enfin, elles ont conclu des accords de swaps (d'échanges de devises), permettant de fournir les devises nécessaires lorsqu'il faut intervenir sur les marchés, ce qui réduit les risques du scénario cauchemardesque de 1997.

 

Plusieurs risques potentiels

Pour autant, des risques potentiels demeurent. D'abord, l'assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale du Japon (BoJ) mis en place fin décembre à la demande du nouveau Premier ministre de centre-droit Shinzo Abe pour en finir avec la politique déflationniste et relancer les exportations, devrait se poursuivre.

 

Parallèlement, la politique monétaire menée par la Réserve fédérale américaine a atteint ses limites. Le taux directeur américain est quasiment à zéro. Les deux « quantitative easings », ces injections d'importantes liquidités pour faire baisser les taux longs et assainir le bilan des banques par le rachat des actifs de qualité douteuse, ont aussi des effets sur les pays asiatiques, en particulier ceux dont la devise est étroitement liée au dollar comme Hong Kong et Singapour.

 

Autre risque, qui vient s'ajouter aux incertitudes : la Chine. Elle est aussi affectée par ce mouvement du yen et du dollar, même si elle dispose de leviers d'action puissants, notamment en pouvant contrôler les flux de liquidités, ce qui limite le risque de contagion. Ainsi, la Banque centrale de Chine diversifie ses réserves de changes, au détriment du dollar et les variations du yuans sont définis par les autorités en fonction d'un « panier de devises. »

 

L'inquiétante spéculation sur l'immobilier en Chine

Le vrai risque en Chine est celui des niveaux atteints par les prix de l'immobilier. La spéculation sur ce secteur indique sinon un risque de bulle, du moins celui d'une forte correction. Le marché de l'immobilier représenterait 12% du PIB selon le FMI. D'autres experts estiment qu'elle est plutôt de 15%. « Nous craignons que la dichotomie entre la persistance de prix excessifs de l'immobilier et la faiblesse des exportations, en partie due à la baisse du yen, s'accroisse », soulignent Steve Barrow et Jeremy Stevens.

Or en cas d'effondrement des prix de cet immobilier, la dépréciation du yuan conjuguée à une baisse des marchés financiers chinois auront des effets négatifs sur les pays clients asiatiques dont les monnaies ne sont pas nécessairement liées au dollar.

S'il y avait dans le pire des cas une crise asiatique alimentée par une crise monétaire, elle ne serait probablement pas aussi dure que celle de 1997, les instruments existant permettant d'en atténuer les effets. Mais, il ne faudrait pas pour autant négliger un tel risque sur les économies asiatiques, il est réel, selon les analystes de la Standard Bank.

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