La transition écologique pousse les entreprises à des alliances inédites

Partenariats entre sociétés concurrentes ou entre secteurs d'activité sans intérêt commun apparent, projets initiés conjointement par des politiques de tous bords et même accords bilatéraux transfrontaliers... Face aux enjeux mais aussi aux opportunités liés aux défis énergétique et climatique, de nouvelles alliances se dessinent.
Le fabricant américain de panneaux solaires Sunpower va former un partenariat avec le constructeur automobile Ford et le fabricant d'électroménager Whirlpool. Leur programme, baptisé MyEnergy Lifetstyle, vise l'intégration entre les véhicules électriques (et leurs batteries), les appareils électroménagers et les panneaux solaires posés sur le toit des habitations. Copyright Reuters

Le mouvement a d'abord vu le jour dans le monde de l'entreprise. Face à une demande pour des bâtiments, des transports ou des process de production plus vertueux, moins consommateurs de matières premières ou d'énergie, le secteur privé a bien compris l'intérêt d'alliances débouchant sur des offres plus intégrées et plus « vertes ». Ainsi, dans le secteur du transport, on peut voir des constructeurs automobiles, des start-up du co-voiturage, des entreprises spécialisées dans le partage de bicyclettes électriques et la SNCF s'unir pour proposer une « offre de mobilité de porte à porte ».

Mais c'est une alliance autrement plus étrange qui a été annoncée lors du dernier salon de l'électronique de Las Vegas, entre le constructeur automobile Ford, le fabricant d'électroménager Whirlpool et le producteur de panneaux solaires SunPower. Leur programme, baptisé MyEnergy Lifetstyle, vise l'intégration entre les véhicules électriques (et leurs batteries), les appareils électroménagers et les panneaux solaires posés sur le toit des habitations, avec pour objectif une meilleure gestion de la consommation énergétique et surtout une réduction de l'empreinte carbone.

Coopérations hybrides

Et ce ne serait là que le début des coopérations hybrides. Prenant en exemple l'initiative du géant de l'acier Alcoa, la directrice du programme « Business et Société » de l'Institut Aspen voit dans ce type de collaborations entre secteurs naguère étanches la seule voie pour lutter de façon efficace contre la crise climatique et énergétique. Avant d'appliquer son programme de recyclage, Alcoa a en effet instauré une collaboration avec d'autres entreprises liées à l'acier d'une façon ou l'autre, depuis les fabricants de sodas jusqu'aux revendeurs de cannettes, en passant par leurs propres concurrents.

Et ces alliances a priori contre nature ne concernent pas seulement le secteur privé. En France, plusieurs partenariats se sont récemment noués autour de la transition écologique. Ainsi de l'Institut de l'économie circulaire : soutenue dès son lancement par une soixantaine de structures publiques et privées, entreprises, éco-organismes, établissements de formation confondus, cette initiative a été portée sur les fonts baptismaux par le député écologiste des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert main dans la main avec la sénatrice UMP de Paris (et ancienne secrétaire d'Etat à l'écologie) Chantal Jouanno.

"Matières premières secondaires"

D'ailleurs, le principe même de l'économie circulaire exige une collaboration accrue entre les acteurs économiques. Visant la valorisation et, si possible, la réutilisation des matériaux quasiment à l'infini, elle implique notamment d'exploiter les déchets ou co-produits, fabriqués au cours de la fabrication et le plus souvent abandonnés ou détruits, alors qu'ils constituent des « matières premières secondaires » très précieuses pour d'autres. De l'utilisation des calories dégagées par les eaux usées d'une commune pour chauffer la piscine à la transformation des déchets d'une enseigne de distribution en biogaz et en carburant, en passant par le CO2 capté à la sortie d'une cimenterie pour faire pousser des micro-algues, les pistes à explorer sont infinies.

Enfin, plusieurs partenariats ont été annoncés dans le cadre du débat français sur la transition énergétique. A l'échelle nationale, le gestionnaire du réseau électrique haute et très haute tension, RTE, a ainsi signé un accord avec le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui tenait son colloque annuel. L'objectif est de faciliter l'accueil des énergies renouvelables sur le réseau, alors que la durée et le coût de raccordement sont aujourd'hui présentés comme l'un des principaux verrous à leur développement.

Objectif, 20% de renouvelables dans le mix énergétique

Il s'agira donc de mieux coordonner la planification des projets de production d'énergies renouvelables et celle des ouvrages du réseau, et d'améliorer la communication entre les centres de contrôle chargés d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande, et les sites de production. Pour l'heure, comme l'a rappelé le président du SER, la France n'est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs fixés à l'horizon 2020, notamment celui de 20 % d'énergies renouvelables dans son mix énergétique.

Mais elle va pouvoir bénéficier de l'expérience de son voisin allemand, qui a franchi ce cap de longue date, et se dirige tout droit vers son objectif 2020 de 40 % d'électricité verte. Peter Altmaier, ministre allemand de l'Environnement, invité à partager son point de vue lors du colloque du SER, y a également officialisé avec sa collègue française Delphine Batho un partenariat conclu lors du cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée.

380.000 emplois dans les renouvelables en Allemagne

Cet accord de coopération sur les énergies renouvelables vise notamment la création d'un office franco-allemand des énergies renouvelables. Les différences sont de taille entre une Allemagne qui emploie déjà 380.000 personnes dans les énergies renouvelables et doit gérer sa décision d'abandonner totalement le nucléaire d'ici à 2022, et la France, où le débat sur la transition énergétique a tendance à se cristalliser sur le passage de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité et où la filière photovoltaïque déplore la destruction de quelque 15.000 emplois ces deux dernières années. Mais « de nombreuses questions concernant cette transition énergétique sont les mêmes de part et d'autre du Rhin », a affirmé Peter Altmaier.

Les deux parties n'hésitent pas à invoquer la CECA (Communauté économique du charbon et de l'acier), qui a jeté les bases de la construction européenne en 1950, ou encore les vertus de la coopération industrielle couronnées par le succès d'Airbus. Cette nouvelle alliance entre les deux piliers politiques de l'Europe du XXIe siècle, qui pourrait constituer les prémisses d'une politique européenne de l'énergie, doit permettre au Vieux Continent de mieux résister à la fois à la concurrence d'industries américaines irriguées de gaz à bas coût et au déferlement d'équipement solaires et éoliens asiatiques.

Troisième révolution industrielle

C'est la compétitivité même de leurs industries qui se joue, et une opportunité à ne pas laisser s'échapper, en se positionnant à la tête de cette « troisième révolution industrielle de la transition énergétique », après celles de l'électronique abandonnée au Japon puis celle de l'informatique gagnée haut la main par la Californie.

C'est en effet aux industriels non seulement européens, mais à ceux du monde entier, que les deux pays entendent donner un signal fort en affirmant leur volonté de coopérer sur les énergies renouvelables mais aussi sur le stockage, les réseaux intelligents, le captage, transport et stockage de carbone, ou encore les interconnexions électriques et gazières.

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