La multiplication des mesures anti-OPA hostiles, tout ça pour ça ?

Le groupe socialiste à l'Assemblé nationale souhaite faire voter une loi contre les OPA hostiles, d'ici à l'été. Le gouvernement prépare lui aussi un texte sur le sujet. Des mesures qui viendraient renforcer l'arsenal déjà bien garni des sociétés du CAC 40. Et pour quoi faire, sachant que la France n'a compté qu'un faible nombre d'OPA hostiles ces dernières années, malgré la faiblesse des valorisations boursières ?
Sur les 40 OPA ayant ciblé des sociétés françaises, en 2012, une seule a revêtu un caractère hostile. Copyright Reuters

S?il est un sujet qui devrait animer les assemblées générales des grands groupes français, ces prochaines semaines, c?est bien celui des mesures contre les OPA (offres publiques d?achat) hostiles. Mardi 30 avril, le groupe socialiste à l?Assemblée nationale a déposé une proposition de loi, dite « Loi Florange », dont le deuxième volet vise à prévenir les prises de contrôle rampantes. Et ce, en suggérant d?abaisser de 30% à 25% le seuil de détention du capital à partir duquel le lancement d?une OPA sur une entreprise devient obligatoire.

Ce projet de texte, que le groupe socialiste espère voir voté d?ici à l?été, prévoit également de généraliser les droits de vote double pour les personnes détenant des actions d?une entreprise depuis deux ans, afin de donner davantage de poids aux actionnaires de long terme.

Un seuil de caducité de 50% des droits de vote

De son côté, deux mois plus tôt, le gouvernement, par la voix du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait indiqué préparer « activement » des mesures destinées à protéger les entreprises françaises d?OPA hostiles, comme celle qui avait permis à Mittal d?acquérir en 2006, de façon « agressive et inamicale », le groupe sidérurgique français Arcelor, auparavant « plusieurs fois restructuré avec l?argent des contribuables européens. »

Début mars, l?AMF (Autorité des marchés financiers) avait donc proposé au gouvernement une série de mesures anti-OPA, comme l?introduction d?un seuil de caducité obligatoire de 50% des droits de vote, en deçà duquel l?initiateur d?une offre voit celle-ci invalidée. Le projet de loi du gouvernement est censé, lui aussi, voir le jour d?ici cet été.

Un arsenal de munitions déjà bien garni

Autant de mesures qui viendraient étoffer un arsenal déjà bien fourni, entre les « bons Breton » - qui renchérissent le coût d?une OPA pour l?acquéreur -, le recours aux déclarations de franchissements de seuils statutaires - lesquelles permettent aux entreprises d?en savoir plus long, le plus tôt possible, sur les intentions d?actionnaires qui grimpent dans leur capital -, ou bien encore la procédure dite de « titres aux porteurs identifiables », qui offre la possibilité d?obtenir une identité précise des actionnaires.

Une seule OPA hostile en 2012

Mais les pouvoirs publics et les entreprises ne se font-ils pas peur tout seuls ? Cette multiplication des dispositifs anti-OPA hostiles ne représente-t-elle pas beaucoup de bruit pour rien ? En effet, où sont-elles ces fameuses OPA inamicales que l?on dit tant redouter ? Le cabinet d?avocats Herbert Smith Freehills évoque ainsi, dans une récente étude, « le faible nombre d?offres publiques hostiles observées en France, au cours des dernières années. »

De fait, sur les 40 offres publiques ayant ciblé des sociétés cotées en France, en 2012, une seule a revêtu un caractère inamical, selon le cabinet Ricol Lasteyrie. A savoir le rachat du comparateur de prix Leguide.com par le groupe de médias Lagardère, rachat qui a finalement abouti.

L?année 2012 semblait pourtant des plus propices à des OPA hostiles sur les groupes du CAC 40, ceux-ci valant à l?époque une fois seulement leurs fonds propres, en moyenne. A tel point que Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA, avait déclaré, le 20 juillet, redouter une OPA sur le constructeur automobile, alors « à la casse » en Bourse. Une inquiétude qui s?est avérée vaine, la conjoncture économique incertaine n?encourageant guère les entreprises plus solides à se lancer dans des opérations de croissance externe.

Une chute de 10% des acquisitions visant des sociétés françaises

Difficile d?imaginer que les prédateurs éventuels fassent montrent de davantage d?appétit aujourd?hui, le CAC 40 ne comptant plus qu?une douzaine de sociétés capitalisant moins que leur actif net, remontée de la Bourse depuis septembre oblige. Et les entreprises françaises semblent d?autant moins séduisantes pour des acquéreurs potentiels que le FMI (Fonds monétaire international) pronostique désormais une récession pour l?économie de l?Hexagone, en 2013, et non plus une modeste reprise de la croissance. De fait, le marché des fusions et acquisitions visant des sociétés françaises a connu, au premier trimestre 2013, son plus mauvais démarrage depuis 2003, avec une chute de 10%, à 6,8 milliards de dollars (5,2 milliards d?euros).

L?opposition des « proxy advisors »

Dans ces conditions, il est très possible que les « proxy advisors » - ces cabinets qui conseillent les investisseurs institutionnels sur leurs votes en assemblée générale - donnent à nouveau de la voix contre les mesures anti-OPA hostiles qui seront soumises à l?approbation des actionnaires des sociétés du CAC 40, dans les prochaines semaines. L?an dernier déjà, les « proxy advisors », qui ont une « influence croissante sur les actionnaires des sociétés cotées françaises », avaient fait montre d?une « relative opposition à l?adoption de (telles) mesures », indiquent les avocats du cabinet Herbert Smith Freehills.

L?attrait de la prime d?acquisition

Il faut dire que, face à un CAC 40 qui a perdu près du quart de sa valeur au cours des cinq dernières années, et malgré les appels du gouvernement à ne pas laisser filer les pépites françaises dans des mains étrangères, nombre d?actionnaires seraient sans doute bien aises d?apporter leurs titres à une OPA. Hostile ou pas, pourvu que le prix de celle-ci représente une prime sympathique par rapport au cours de Bourse actuel.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.