Low cost et écologie peuvent-il faire "chambre commune" ?

Eklo Hotels, jeune entreprise créée par un ancien d'Accor, propose des chambres à 24 euros la nuit. Un prix très bas obtenu en s'inspirant des méthodes de l'aérien et en utilisant les modes de construction les plus innovants.
L'ossature en bois des Eklo Hotels est réalisée par la société vosgienne Charpente Houot, l'un des actionnaires de la jeune entreprise./ DR

Une chambre d'hôtel confortable, avec salle de bains privative, accessible en transports en commun, au prix de 24 euros la nuit : voilà ce que propose la toute jeune chaîne Eklo Hotels. Le premier de ces hôtels, à la fois low cost et écoresponsables, ouvre au Havre le 17 mars, en face de la station de tramway Mare Rouge, à dix minutes de la gare SNCF.

« J'ai voulu créer le produit le moins cher possible pour permettre à tous de se loger correctement, explique Emmanuel Petit, un ancien du groupe hôtelier Accor, qui a imaginé ce concept.
Je pense notamment aux étudiants, aux intérimaires, ou bien aux ouvriers de chantiers contraints de se loger lors de leurs déplacements professionnels. »

Pour tirer ainsi les prix vers le bas, il s'est inspiré « de ce que font les compagnies aériennes low cost, avec leur système d'options payantes, mais sans les exagérations pratiquées par certaines d'entre elles, précise Emmanuel Petit.

Je propose aux clients de bien dormir dans une chambre confortable, mais les suppléments sont payants, avec des tarifs très raisonnables ».

Une serviette de toilette vous sera ainsi facturée 1 euro, tout comme la place de parking, ou bien l'accès à la télévision ou au WiFi. Le petit déjeuner - incluant boisson chaude, jus d'orange, pain, croissant et laitage - est proposé à un tarif très compétitif, de 3 euros.

« Beaucoup d'hôtels exagèrent sur le prix du petit déjeuner », observe le fondateur d'Eklo.

« Garder le côté humain de l'accueil »

À ce tarif-là, on pourrait imaginer un établissement sans âme qui vive, avec distributeur automatique de chambres à l'entrée. Ce n'est pas le cas.

Emmanuel Petit veut « garder le côté humain de l'accueil ».
Pour limiter, malgré tout, l'explosion des coûts salariaux, « qui restent le premier budget, j'évite au maximum la sous-traitance et je demande à mes salariés une polyvalence totale entre le nettoyage, la réception, le petit déjeuner, etc. ».

Seul l'entretien du linge est soustraité. Au total, l'hôtel du Havre, avec ses 98 chambres, fonctionnera avec six salariés à temps plein.

Ce choix du low cost, Emmanuel Petit a voulu le concilier avec sa sensibilité au développement durable.

« Je pense qu'on peut mettre l'écologie au service du low cost, explique-t-il. Les investissements supplémentaires du départ se répercutent ensuite sur les économies. »

La construction de ces hôtels a donc été étudiée dans les moindres détails.

« Pour le bâtiment, nous avons évité les intermédiaires et les promoteurs. Nous avons choisi une construction en ossature bois, réalisée par la société vosgienne Charpente Houot, à Gérardmer, qui fait partie de nos actionnaires. Le modèle de construction a été prévu pour éviter les découpes de bois sur le chantier, mais aussi les transports exceptionnels. »

Les chambres, de leur côté, sont préfabriquées en Italie puis livrées entièrement montées, à l'image des cabines de paquebots. Leur largeur est limitée à 2,50 mètres (pour une surface totale de la chambre de 8 m2, salle de bains incluse) afin de respecter, là encore, cette contrainte du transport.

« Pour bénéficier d'une bonne isolation acoustique et d'une inertie thermique importante, nous utilisons du béton allégé, qui mêle bois et béton, détaille le dirigeant.
Pour le chauffage, nous avons investi dans un système de ventilation à double flux
[la chaleur évacuée par l'air sortant sert à réchauffer l'air entrant, ndlr]
et nous avons juste installé des petits radiateurs d'appoint dans les chambres. Notre construction est labellisée BBC, mais nous sommes presque en bâtiment passif. »

Les fondateurs d'accor majoritaires au capital

Grâce à cette préfabrication, la construction d'un hôtel d'une centaine de chambres peut se faire en cinq mois. Elle revient à 3 millions d'euros, financés en crédit-bail.

« Ce qui coûte cher, c'est le respect des contraintes d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, précise Emmanuel Petit.

Il est obligatoire de prévoir des chambres adaptées dans les étages et pas seulement au rez-de-chaussée, ce qui impose l'installation d'ascenseurs. De plus, toutes les chambres doivent être équipées de portes de 90 centimètres de large, pour permettre à une personne en fauteuil roulant de rendre visite à l'un des clients.

Mais, dans une chambre de 8 m2, il est difficile de faire entrer ce type de fauteuil... Au départ, nous espérions proposer des chambres à 20 euros la nuit. Mais, avec ces contraintes, nous n'avons pas pu descendre en dessous de 24 euros. »

Pour commercialiser ses chambres, Eklo a mis en place son propre site Internet (eklohotels.com), qui se veut « très transparent sur les prix, sans fausse promesse ». Il est déjà possible d'y effectuer une réservation pour l'hôtel du Havre, avec paiement immédiat par carte bancaire. L'annulation reste possible, à condition d'avoir choisi l'option correspondante, facturée 1 euro. Les tarifs devraient rester stables tout au long de l'année, sauf, peut-être, à l'occasion d'événements exceptionnels.

« Je ne suis pas partisan du yield management, consistant à faire varier les prix en fonction de la demande, explique le fondateur de l'enseigne. C'est sans doute une technique positive pour la rentabilité, mais elle génère de l'insatisfaction chez les clients. »

Ce concept d'hôtel à la fois très économique et écologique, Emmanuel Petit le peaufine depuis trois ans. Surtout, il a su convaincre des partenaires motivés et des actionnaires de poids. La mairie du Havre, séduite par le projet, l'a aidé à trouver le terrain de son premier établissement. Outre le groupe Charpente Houot, il a reçu le soutien financier des deux cofondateurs du géant hôtelier Accor, Paul Dubrule et Gérard Pélisson, qui ont pris 60% du capital de la jeune entreprise.

« Ils m'ont beaucoup aidé, reconnaît Emmanuel Petit. Paul Dubrule a toujours été l'homme de l'innovation chez Accor. Et je crois que les nouveaux projets les amusent. »

Après Le Havre, Eklo devrait ouvrir deux autres établissements cette année, l'un au Mans et l'autre « dans une ville moyenne de la moitié nord de la France ». Son fondateur vise ensuite trois ou quatre hôtels supplémentaires en 2015. Il espère arriver à une vingtaine d'établissements en propre en 2018.

« À la fin de 2015, nous déciderons si nous ouvrons le concept à la franchise », explique Emmanuel Petit. Seule certitude : « Nos marges sont peu élevées, alors la rentabilité ne peut se faire que sur le volume », répète-t-il.

Sans cacher qu'il compte aussi sur une certaine discipline des clients pour faire vivre son idée. Un pari ambitieux, mais intéressant à suivre.

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Commentaires 2
à écrit le 24/03/2014 à 14:02
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c est moitie prispx que formule 1 et c est mieux!!

à écrit le 09/03/2014 à 8:57
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Bravo pour cette initiative qui à ma connaissance, pour la première fois avec une chaîne d'hôtels, innove en intègrant efficacement le développement durable et une promesse client responsable : faire mieux avec moins. J'aime le travail effectué autou...

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