L’hydraulique veut s’inviter dans la transition énergétique

À la tête de la Compagnie nationale du Rhône, Élisabeth Ayrault plaide pour l’élaboration d’une politique hydraulique. Elle estime qu’une dizaine de milliards d’euros pourraient être investis dans la construction et la rénovation de grands barrages.
Barrage de Charmes : l'ouvrage est situé à Charmes-sur-Rhône (Ardèche). / DR

L'hydraulique, grande oubliée du débat sur la transition énergétique ?

À tout le moins, « cette source est reléguée au rang d'énergie d'appoint, alors qu'il s'agit d'une énergie à part entière. La Compagnie nationale du Rhône [CNR, ndlr] en est la preuve », déplore Élisabeth Ayrault, présidente du directoire de cette filiale à 49,9!% de GDFSuez et à 50,1% des collectivités publiques.

Et Élisabeth Ayrault de rappeler que cette compagnie, qui compte 1!356"collaborateurs, s'est bâtie à partir de l'hydroélectrique, et que ses 19 centrales sur le Rhône produisent bon an mal an 14,6 milliards de kilowattheures, soit 14,6 TWh, de quoi satisfaire la consommation de 6,5 millions d'habitants. Une électricité propre, car elle évite le rejet dans l'atmosphère de 14 millions de tonnes équivalent CO2 par rapport à une centrale à charbon.

La puissance tirée de l'eau reste le coeur de métier de la CNR mais, dans une approche d'offre mixte de la production d'énergie, l'entreprise se développe aussi, depuis 2003, dans l'éolien (27 parcs produisant 0,5 TWh) et le solaire (6 fermes et 0,017 TWh). Sans doute certains aménageurs pensent-ils que la France aurait fait le plein des grands barrages. D'autres détracteurs pointent la protection de l'environnement.

« Les premiers barrages montrés du doigt datent de la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, les règles de construction ont bien changé. Par exemple, on tient plus compte de la libre circulation des sédiments et des poissons en aménageant des passes. De plus, on ne peut pas parler de la même façon des ouvrages au fil de l'eau, comme les nôtres, et de ceux des vallées avec leurs grandes retenues artificielles », argumente Élisabeth Ayrault, une architecte de formation qui a démarré sa carrière en créant une agence d'architecture et d'urbanisme à Perpignan.

Des barrages à construire et d'autres à détruire

grands barrages. Mais l'un d'entre eux lui tient particulièrement à coeur : il se situe à Conflans, en amont de celui de Génissiat, sur la partie franco-suisse du Rhône.

« Ce barrage a déjà fait l'objet d'études et pourrait être relancé, avec beaucoup de concertation néanmoins », affirme Élisabeth Ayrault.

Dans ce domaine, les procédures prennent du temps, et de ce fait, elle ne voit guère les premiers coups de pioche avant cinq ou dix ans.

Plus globalement, à l'échelle de l'Hexagone, elle évalue à 10 TWh l'électricité nouvelle qui pourrait être produite avec de nouveaux barrages pouvant être construits. Mais dans le même temps, il faudrait supprimer un certain nombre de barrages, d'une capacité globale de 7 TWh, car ils sont obsolètes, inutiles (ne produisant pas ou peu d'électricité), ou défigurant les paysages. Un exemple ? Deux barrages sur la Sélune, dans la Manche, exploités par EDF, ont été officiellement jugés irrattrapables.

Selon la présidente de la CNR, au moment où l'économie française se cherche un nouveau souffle, ces constructions et rénovations généreraient une « dizaine de milliards d'euros de travaux ».

À inscrire dans la durée, évidemment. À cet égard, Élisabeth Ayrault rappelle que l'édification des 19"installations de la CNR a nécessité un peu plus d'un demi-siècle : Génissiat remonte à 1934 et le dernier-né, Sault-Brenaz, a vu le jour en 1986. De plus, de tels investissements nécessiteraient d'élaborer une vraie politique hydraulique comme ce fut le cas pour le plan nucléaire. « Il faut mobiliser les opérateurs et les capitaux. »

Ce n'est qu'une fois cet ambitieux programme écrit noir sur blanc que la présidente de la CNR voit possible la mise en concurrence des barrages dont les concessions sont arrivées à leur terme et qui, à ce jour, concernent principalement EDF. Le dossier de renouvellement des concessions avait été ouvert en 2008, à la demande de Bruxelles, par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Environnement. Force est de constater qu'il n'a guère avancé depuis lors, compte tenu notamment des freins de certains parlementaires. Quant à la CNR, c'est l'intégralité de sa concession du fleuve qui sera remise en jeu en 2023.

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Commentaires 3
à écrit le 14/05/2014 à 21:40
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A noter par ailleurs en micro-hydraulique, parmi d’autres, les travaux des équipes des Pr Albert Sepp et Peter Rutschmann de la Technische Universität München (Département d’Hydraulique et Génie des Ressources en Eau), idem en Norvège etc ont montré...

à écrit le 14/05/2014 à 10:10
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Le problème c'est que l'on a pas 10 milliards d'euros sauf à faire des PPP à confier à Suez-GDF et à Veolia ... Sinon, le principal problème de l'hydraulique, c'est que l'évolution des mentalités génère des conflits d'usages de l'eau. On veut à la f...

à écrit le 13/05/2014 à 20:40
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Madame parle pour la grande hydro, mais n'a pas tort. S'ajoute un grand potentiel dans la micro-hydroelectrique, rien qu'en rehabilitant les barrage et centrales existants, a condition de declarer les EnR d'utilite publique et que le melange de menfo...

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