Eolien offshore : vaste appel d'offres et future filière française

Par Par Dominique Pialot  |   |  1037  mots
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Nicolas Sarkozy doit confirmer ce matin l'appel d'offres pour l'éolien en mer, attendu depuis des mois, pour 3.000 MW sur cinq sites entre Saint-Nazaire et le Tréport. La bataille s'engage pour attirer les industriels.

Le détail des sites côtiers sélectionnés pour l'appel éolien offshore français n'a été confirmé que ce mardi par Nicolas Sarkozy. Mais la taille de cette première tranche semblait acquise depuis quelques jours. Ce sera 3 gigawatts (GW), sur un total de 6 prévus par le Grenelle à l'horizon 2020. De quoi donner naissance à une véritable filière française. À en croire Philippe Cochet, senior vice president d'Alstom Hydro and Wind, l'éolienne offshore de demain sera une machine de 6 MW « direct drive », autrement dit sans boîte de vitesse, sur laquelle travaillent aussi bien Alstom, Siemens ou Vestas.

Et le français est dans le bon timing, avec un premier prototype en mer fin 2011 et un site pilote en 2013, largement avant l'entrée en service prévue pour les 3.000 MW de l'appel d'offres. Allié à EDF Energies Nouvelles dans le cadre d'un accord exclusif annoncé la semaine dernière, Alstom espère rafler « une part significative du marché français ». Si les modalités de l'appel d'offres devraient être précisées d'ici à la fin février, les résultats en revanche ne seront pas connus avant un an. Jusque-là, difficile d'être plus précis, mais Alstom envisage « des investissements industriels pérennes, comme dans l'hydraulique, qui emploie 1.250 personnes dans l'Hexagone alors que la France ne représente que 0,5 % du chiffre d'affaires du groupe ». Où ça ? « A priori près d'une des zones désignées, en fonction aussi de l'environnement industriel et universitaire... et pour servir tout le marché européen ».

Saint-Nazaire lance une nouvelle filière sur les énergies marines

Alors que deux projets de création de parcs éoliens en mer géants sont pressentis au large des côtes de Saint-Nazaire, les industriels s'organisent pour tirer profit de cette filière émergente qui laisse présager des milliards d'euros d'investissement.

Ainsi, le 14 avril prochain, Néopolia, une association regroupant une centaine d'industriels et les chantiers navals STX France vont créer à Saint-Nazaire une nouvelle filière dédiée aux EMR (Energies marines renouvelables). L'objectif consiste à « se mettre en ordre de marche pour capter des marchés européens », explique Jean-Claude Pelleteur, le président de Néopolia.

Études industrielles

Les pistes de travail sont déjà clairement identifiées. Avec STX France, Néopolia compte pouvoir répondre à des appels d'offre portant sur des études industrielles en vue d'implanter des parcs éoliens off-shore, ainsi que sur la réalisation des fondations et de sous-blocs électriques implantés près des champs et nécessaires à la centralisation de l'énergie produite par les éoliennes. Chaque partenaire mènera également ses propres actions. Néopolia travaille avec des architectes navals (dont Atelier Mauric, HT2, Arco marine) à la conception de bateaux innovants servant à approvisionner en main d'oeuvre et matériel les grands navires posant les éoliennes en mer.

Dans le cadre de ses projets de diversification, STX France veut proposer un navire de pose d'éoliennes de nouvelle génération plus économique, et envisage de fabriquer des structures d'éoliennes en acier. Le grand port autonome Nantes-Saint-Nazaire a d'ores et déjà réservé un emplacement au Carnet dans l'estuaire pour accueillir des activités liées aux EMR et peut-être un grand constructeur de nacelle (Alstom, Areva...) avec lequel des contacts assez avancés seraient en cours.

Le Havre veut servir les sites français et anglais en Manche

Le Havre, premier port français pour le trafic conteneurisé, va-t-il aussi s'imposer comme une plate-forme industrielle et de stockage pour les sites éoliens offshore de la Manche centrale ? Une chose est sûre, le port normand a réservé un site à cette activité. « Un espace de 50 hectares sur le domaine public maritime au pied du Pont de Normandie », précise Gérard Mercher, le responsable du Havre Développement, qui regroupe la ville du Havre, son agglomération, le port et la CCI.

Compétition serrée

« Nous avons des contacts avec les fabricants de turbines, notamment Areva et Alstom » s'enthousiasme Gérard Mercher, expliquant que Le Havre Développement planche depuis un an sur les trois fonctions d'une telle plate-forme, industrielle, R&D et logistique.

L'ambition du Havre serait de réunir ces trois compétences avec la construction de mâts, fondation et turbines, l'expérimentation de nouveaux modèles et la logistique de pose et de stockage des éoliennes. « La compétition va se jouer entre très peu de ports » ajoute le responsable havrais, rappelant que la coopération avec Saint Nazaire - accord-cadre signé en décembre 2010 entre les deux communautés d'agglomération - constitue un « atout supplémentaire pour Le Havre ».

Quant à l'investissement envisagé pour cette plate-forme, Gérard Mercher estime qu'on ne peut le chiffrer avant que le contenu précis de l'appel d'offres soit dévoilé.

Au-delà des projets en Manche côté français, Le Havre estime avoir une carte à jouer pour servir des projets britanniques. En effet, rappelle Gérard Mercher, les Britanniques veulent construire 5 fois plus de mégawatts offshore que les Français et les infrastructures portuaires du sud de l'Angleterre sont inadaptées pour accueillir des plateformes industrielles et de stockage.

Ecueils en Languedoc-Roussillon

Trois projets de création de parcs éoliens offshore, portés par Enertrag (Allemagne) et EDF, étaient prévus au large des côtes du Languedoc-Roussillon, pour 110 à 120 aérogénérateurs entre Sète (Hérault) et Port-la Nouvelle (Pyrénées-Orientales). Mais suite à l'opposition de plusieurs maires du littoral et des députés UMP Elie Aboud (Béziers) et Gilles D'Ettore (Agde), ces projets ne seront pas mis en appel d'offres. « Je ne suis pas contre l'éolien. Mais ces grandes éoliennes de 160 m de haut, à seulement 10 km des côtes, auraient gâché le paysage, notamment la perspective des Pyrénées. On craignait pour l'activité touristique sur notre littoral », explique Gilles D'Ettore, également président de l'Agglo Hérault-Méditerranée (Agde-Pézenas) et maire d'Agde. Dans une motion adressée au ministre Borloo, ils avaient proposé dès septembre des « solutions alternatives comme des éoliennes flottantes ». Les pêcheurs, pour la plupart hostiles aussi à ces implantations au large des côtes, peuvent aujourd'hui souffler.