Faut-il une taxe carbone ? Un économiste répond

Par Propos recueillis par Sophie Gherardi  |   |  549  mots
Paul Seabright, professeur d'économie à l'Université Toulouse I - Capitole et chercheur à Toulouse School of Economics, explique pourquoi on ne peut pas compter seulement sur la bonne volonté des citoyens.

 

 

 

La Tribune -  Diminuer les émissions de CO2, c'est important pour limiter le réchauffement climatique, presque tout le monde le reconnaît. Mais beaucoup de citoyens bloquent à l'idée d'être taxés. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres solutions que d'instaurer une taxe carbone ?

Paul Seabright -  Je réponds à cette question non en tant que climatologue, que je ne suis pas, mais en tant qu'économiste. Si les climatologues nous disent qu'il faut réduire nos émissions de carbone, il faut agir. Mais comment ? On pourrait se dire : pourquoi pas compter sur le bon geste des citoyens ? L'altruisme ? La bonne volonté ? Nous savons qu'il y a beaucoup de bonnes volontés. Par exemple, le séisme de Haïti a suscité des réactions merveilleuses et altruistes de beaucoup de gens. Pourquoi pas en faire autant pour la réduction des émissions de carbone ? Le problème c'est qu'il faut agir dans la durée, pendant cinquante ans et plus. Il va falloir se serrer la ceinture pendant une très longue période : comment compter sur la discipline des citoyens sur des décennies ? Il vaut mieux, à mon sens, opter pour une taxe carbone. Elle assure une sorte d'engagement de bonne volonté de notre part sur le long terme.

Que peut faire le citoyen qui veut par son comportement réduire ses émissions de gaz à effet de serre ?

C'est très difficile de savoir. Vous avez sans doute entendu parler des dégâts causés par le transport des légumes par avion. Il serait facile de se dire : il faut acheter des produits locaux, près de chez soi. C'est très bien en été, mais au mois de janvier, si vous achetez des haricots verts produits sous des serres qui produisent plus de carbone que des haricots qu'on achète depuis le Kenya et qui sont amenés ici en avion, c'est une mauvaise opération du point de vue de la lutte contre le réchauffement.  Donc le pauvre citoyen a beau s'arracher les cheveux pour savoir comment agir, les calculs sont d'une complexité folle. La taxe

Les questions des internautes sur le site latribune.fr à propos de la taxe carbone montrent que beaucoup d'entre eux la voient comme une nouvelle taxe qui va s'ajouter à ce qu'ils paient déjà.

Mais justement la beauté de la taxe carbone c'est qu'on peut la considérer comme une taxe qui remplace d'autres taxes. Pour une fois, ce serait bien d'avoir une taxe qui récolte des revenus que l'Etat peut utiliser pour nos dépenses nécessaires en biens publics, mais qui en même temps encourage le bon comportement. La plupart des taxes que nous connaissons d'habitudes découragent le bon comportement, par exemple le travail, la consommation légitime. Avec la taxe carbone, pour une fois, nous aurons la chance d'avoir une fiscalité qui agit dans le bon sens, qui nous encourage à un comportement propre pour un développement économique propre et qui, en plus, produit des revenus que nous pouvons utiliser pour nos dépenses légitimes.

Ce mardi Claude Crampes, professeur d'économie à l'Université Toulouse I -Capitole et chercheur à TSE répond à la question:  "Le Conseil constitutionnel a-t-il eu raison de retoquer la loi qui instaurait la taxe carbone ?"