La taxe carbone est-elle injuste socialement ?

Par latribune.fr  |   |  445  mots
François Salanié, directeur de recherche INRA et directeur du LERNA, revient sur la taxe carbone et sur ce qui crée la polémique autour de cette taxe.

François Salanié : C?est la grande question dans le débat. Les économistes insistent énormément sur l?efficacité de la taxe : ça va nous faire faire des efforts, ça donne un prix à quelque chose qu?on voudrait économiser. Mais tout le débat politique porte sur les aspects redistributifs. Ils sont importants, je ne le nie pas.

Quelles seront les conséquences d?une taxe carbone ?

Les entreprises les plus polluantes paieront plus, les ménages qui consomment des transports et du chauffage paieront des taxes. Tous les ménages font ça. Il se trouve que les ménages les plus pauvres consomment proportionnellement plus de chauffage et de transport. Donc on s?attend à un effet régressif, comme on dit en économie, c'est-à-dire qui transfère un peu de richesse des plus pauvres vers les plus riches. Ce n?est pas forcément un effet qu?on vise, c?est une conséquence de l?efficacité d?une taxe carbone.

Alors quelles sont les réactions possibles face à ça ?

Est-ce qu?on doit renoncer à l?efficacité pour compenser ces aspects redistributifs ? Les économistes ont une réponse assez claire. On ne doit pas modifier le niveau de la taxe en fonction du revenu des ménages. En revanche dans le niveau global de la taxe qui sera appliqué à l?ensemble des ménages, on doit tenir compte de ça. Il est normal, il est même acquis que le pain, comme d?autres biens de consommation courante, soit moins taxés que les autres. On peut dire la même chose pour la taxe carbone. Si vous demandez aux économistes si la taxe carbone est antisociale, ils vous répondront qu?elle a des effets redistributifs et que si vous voulez lutter contre ces effets la bonne façon de procéder est d?en diminuer le taux pour les ménages, pour l?ensemble des ménages. En ce qui concerne les entreprises, il n?y a aucune raison d?appliquer un argument similaire. Les biens que produisent les entreprises comprennent plus ou moins d?énergie, causent plus ou moins d?émissions, mais il n?y a pas de lien systématique entre le revenu des consommateurs de ces biens et leur contenu en énergie. Donc pour les entreprises on militera pour une taxe unique à un niveau qui peut être celui choisi par le gouvernement, dont l?ordre de grandeur est le bon, et pour les ménages on a des arguments pour dire qu?ils pourraient payer une taxe d?un niveau inférieur. Inférieur de combien, beaucoup de travaux empiriques sont en cours pour le déterminer.