Les pays émergents propulsent les émissions de CO2 à un niveau record

Par Dominique Pialot avec Rémy Janin  |   |  465  mots
Infographie La Tribune/BHEDOUIN
Après un fléchissement lié à la crise, les gaz à effet de serre augmentent à nouveau en 2010. Les contraintes réservées aux seuls industriels européens ne suffisent pas à endiguer la hausse.

Une bombe carbonique. Un record jamais égalé de 30,6 gigatonnes (Gt*) de CO2 émises dans le monde en 2010, soit une hausse de 5 % par rapport à 2008. En réalité, ces estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) rendues publiques lundi, n'ont rien de très surprenant.

Certes, les chercheurs du Global Carbon Project, organisation internationale de recherche à laquelle participe le Laboratoire français des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), avaient calculé début 2010 une diminution de ces émissions de 1,3 % au cours de l'année 2009, attribuée essentiellement à la crise économique. Mais les baisses observées en Europe, (- 4,9 % en France, - 7 % en Allemagne et - 8,6 % en Angleterre), au Japon (- 11,8 %), aux États-Unis (- 6,9 %) ou en Russie (- 8,4 %) se voyaient largement contredites par les hausses dans les pays émergents (+ 8 % en Chine, + 6,2 % en Inde, + 1,4 % en Corée du sud). Et dès avril 2009, ces mêmes scientifiques estimaient qu'une croissance économique mondiale de 4,8 % (prévue par les économistes) entraînerait en 2010 une augmentation des émissions mondiales de plus de 3 %, un rythme annuel proche de celui observé entre 2000 et 2008.

La croissance s'est établie à un niveau légèrement inférieur (4,6 % selon l'OCDE), mais les émissions ont crû plus vite que prévu. « Cette hausse n'a rien d'étonnant si l'on considère la poursuite de la croissance dans les pays émergents et la reprise économique dans les pays développés », observe Christophe Schmeitzky, associé dans l'équipe développement durable du cabinet Ernst & Young. Or, pour respecter une concentration de CO2 dans l'atmosphère de 450 parties par millions (ppm) en 2020, compatible avec une hausse des températures limitées à + 2° C, les émissions liées à l'énergie ne devraient pas dépasser les 32 Gt. Donc, ne pas augmenter plus d'ici à 2020 que sur cette dernière année. Responsables d'un quart seulement de la hausse, les pays de l'OCDE pèsent encore 40 % du total de 2010. Mais les émissions européennes ont diminué de 8 % entre 2008 et 2010.

L'Allemagne en exemple

« Aujourd'hui, la seule politique sérieuse de limitation des émissions est européenne, confirme Christophe Schmeitzky. Les allocations de quotas aux industriels dans le cadre du marché d'échange de quotas seront très contraignantes pour la période 2013-2020, mais cela ne concerne que l'industrie, et, à partir de 2012, le transport aérien », nuance-t-il.

En revanche, dans les autres transports et le bâtiment, l'inertie limite l'effet à court terme des mesures telles que celles décidées, par exemple, dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Dans ce contexte, l'Allemagne se montre particulièrement ambitieuse, avec un objectif de réduction de ses émissions de - 40 % d'ici à 2020 malgré l'abandon du nucléaire (22 % de son mix énergétique) d'ici à 2022. De quoi inspirer la France, qui annonce ce mardi un grand plan en faveur de l'efficacité énergétique.

 

(*) 1 Gt = 1 milliard de tonnes.