"L'énergiewende", épouvantail ou modèle ?

Par Dominique Pialot  |   |  484  mots
La fin du nucléaire allemand signifie recours accru aux centrales thermiques et augmentation des émissions de CO2... / Reuters
Le « tournant énergétique » que l'Allemagne a entamé il y a quelques années a représenté une transition radicale qui plane aujourd'hui sur le débat français. Malgré des situations différentes, les deux pays font face à des défis semblables.

Proximité géographique et interconnexion des réseaux obligent, les politiques énergétiques adoptées en Allemagne ne sont pas neutres pour la France. Mais si les regards français sont rivés sur nos voisins, c'est d'abord parce qu'ils ont déjà entamé leur Energiewende, un virage radical devant aboutir d'ici à 2022 à une sortie définitive du nucléaire.
Huit des 17 réacteurs allemands sont déjà à l'arrêt et, en dix ans, le pays a installé 25 gigawatts (GW) d'énergies renouvelables (EnR), qui lui fournissent 23% de son électricité (24% pour le nucléaire) et ont créé près de 400000 emplois. Mais à quel prix? 18 milliards d'euros pour soutenir les EnR en 2012, intégralement répercutés sur les consommateurs. Majoritairement favorables à cette transition, les Allemands, qui paient leur électricité près de deux fois plus cher que les Français, commencent néanmoins à trouver la note salée!
Et ce n'est pas fini. Le gouvernement a récemment évoqué une baisse de ces subventions, alors qu'on estime à 200 milliards d'euros d'ici à 2020 les investissements nécessaires dans les réseaux de transport et de distribution, pour absorber la production intermittente de ces énergies (dont une part est aujourd'hui perdue lors des pics de production) et pour transporter l'électricité depuis les fermes éoliennes du Nord vers les lieux de consommation du Sud. 2000 km supplémentaires doivent être construits, mais seulement 200 km sont sortis de terre depuis 2009. En plus des coûts, les opérateurs affrontent l'hostilité des riverains face aux lignes à haute tension!

750 coopératives, 800 régies locales

Enfin, le recours prévu à environ 42 GW de nouvelles centrales thermiques (sachant que le charbon est plus rentable que le gaz) pour assurer la transition vers la fin du nucléaire menace l'engagement de réduire de 40% les émissions de CO2 entre 1990 et 2020.Malgré tout, certaines initiatives allemandes pourraient filtrer dans la transition énergétique française. « Malgré la différence de prix, grâce à des équipements plus performants et à des comportements plus sobres, la facture des ménages allemands ne dépasse pas celle des Français », note Andreas Rudinger, chercheur à l'Iddri. Or l'implication des Allemands est très liée à la décentralisation de l'énergie : 750 coopératives de production, 800 régies locales de distribution, des capacités d'énergies renouvelables détenues à 40% par des particuliers contre 7% pour les quatre principaux énergéticiens... « Si la décentralisation est un enjeu du débat en France, il faut s'en donner les moyens, observe Andreas Rudinger. Par exemple en revenant sur l'interdiction des régies municipales qui date de 1946... »Parmi les défis semblables des deux côtés du Rhin, la rénovation thermique des bâtiments. Si l'Allemagne ne consacre que 1,5 milliard d'euros par an à l'efficacité énergétique, le mode de financement de la rénovation, dans lequel la banque publique KfW joue un rôle central, inspire les experts français qui planchent sur le sujet.