" Nucléaire et renouvelable se complètent "

Le patron de l'activité énergies alternatives du CEA, rebaptisé Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, détaille sa stratégie de recherche technologique.

Quelle est la légitimité du CEA dans la recherche sur les énergies alternatives ?

Depuis longtemps le CEA réutilise son savoir-faire dans le nucléaire civil et militaire dans des domaines connexes. Dans la microélectronique, nous avons développé les composants qui pouvaient tenir dans des environnements extrêmes. Dans l'environnement, les recherches sur l'énergie solaire sont anciennes. Au début des années 2000 s'est posé le problème de la légitimité du CEA sur ce type de recherche. En 2004, un grand débat sur l'avenir du CEA a acté sa transformation en un grand centre technologique, plus seulement dédié au soutien de la filière nucléaire. Ce focus sur les énergies renouvelables a été officialisé fin 2009 par la décision du changement de nom, annoncée par le président de la République en même temps que les choix de financement du grand emprunt dédiés à cette filière.

N'y a-t-il pas une contradiction fondamentale entre nucléaire et renouvelable ?

La vraie guerre à mener aujourd'hui, c'est la lutte contre le CO2?! Nous devons compléter notre base d'électricité décarbonée obtenue grâce au nucléaire avec les énergies renouvelables. Nous avons commis l'erreur de ne pas y croire dans les années 1970 et avons perdu trente ans. Notre budget 2010 de 150?millions d'euros sur le nucléaire du futur et 156?millions sur les énergies renouvelables respecte le souhait du président de la République, 1?euro investi dans la recherche sur les renouvelables pour 1?euro dans la recherche sur le nucléaire.

Quels sont vos axes de recherche ?

Au sein de la direction de la recherche technologique du CEA, j'ai créé en 2005 le Liten (Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles) qui regroupe quatre domaines d'activités?: le solaire au sein de l'Ines (Institut national de l'énergie solaire) à Chambéry?; les transports avec la pile à combustible et les batteries?; la biomasse. Le quatrième axe de développement concerne les nanomatériaux - à la base de nos recherches - qui révolutionnent la densité d'énergie en rendant utiles tous les atomes de la matière. Ainsi nous menons un énorme travail sur l'adaptation de l'offre et de la demande d'électricité basée sur le stockage de l'électricité, un enjeu considérable. Nous travaillons aussi sur la convergence habitat-transport qui consiste par exemple à utiliser l'électricité produite par une ombrière solaire de parking pour faire rouler une voiture 40?km par jour, soit 80?% des besoins de déplacements domicile-travail.

Comment associez-vous les industriels à ces recherches ?

Nous créons des plates-formes technologiques en partenariat avec des grands groupes mais aussi avec des PME. Cette valorisation de la recherche passe aussi par la création de start-up. Le CEA a répondu à une forte demande des industriels dans les énergies renouvelables. Les recettes externes du CEA, provenant de ces acteurs, se montent à 90?millions cette année. Nous allons embaucher 150 ingénieurs spécialisés dans la R&D en énergie en 2010.

Quel rôle la France peut-elle jouer dans les énergies renouvelables ?

La France ne pèse que 1?% de la population mondiale et des émissions de gaz à effet de serre, mais l'Europe a, de mon point de vue, un rôle emblématique à jouer, en faisant la démonstration d'une énergie décarbonée. Partant du principe que le nucléaire sera pérennisé, si nous tirons tout le parti possible des énergies renouvelables pour le bâtiment et les transports, les deux secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre aujourd'hui, notre bilan carbone sera extrêmement performant.

Et les industriels français ?

Il faut le dire clairement, nous sommes dans une phase de rattrapage car nous ne sommes aujourd'hui leader mondial sur aucune de ces technologies. Dans l'éolien, cela me semble compliqué d'y parvenir sauf par rachat d'entreprises. Sur le photovoltaïque, la bagarre n'est pas perdue, mais il y a déjà «?du lourd?» avec les Allemands et les Asiatiques. C'est pourquoi nous préconisons des investissements industriels très importants, en particulier sur les cellules à très haut rendement. Dans la biomasse, la messe n'est pas dite et plusieurs groupes français ont de sérieux atouts pour prendre des premières places. Sur le stockage d'énergie, nous avons de bons acquis et des partenariats solides avec Renault-Nissan pour les batteries, et PSA pour la pile à combustible. Nous avons tout ce qu'il faut pour devenir leaders, maintenant, que les industriels s'en emparent?! Dans le photovoltaïque, le principal enjeu c'est l'élaboration d'une filière industrielle française. Il faudrait aussi que le marché, devenu très spéculatif, soit régulé ou cela risque de finir très mal. En principe, les énergies renouvelables possèdent un côté humaniste mais, en ce moment, le secteur est en train de perdre son âme.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 14/04/2010 à 7:32
Signaler
Il est bien qu'un organisme aussi honorable que le CEA daigne s'investir dans les énergies renouvelables (enfin ), mais c'est l'histoire du pâté d'alouette, avec un cheval pour une alouette... Si nous regardons le passé, le nucléaire français à empê...

à écrit le 13/04/2010 à 10:39
Signaler
Si les chiffres donnés par le Directeur du CEA concernant le nucléaire du futur et les énergies renouvelables sont certainement exactes, il me semble que son interprétation donne dans le greenwashing. Si l'on regarde le budget du CEA en 2009 : http:/...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.