ARCHITECTURE + Une fresque pour abriter des logements sociaux

Du côté de la ZAC Seine Rive Gauche, dans le 13e arrondissement de Paris, les quatre tours de verre de la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand trônent au milieu d'un vaste chantier d'où ressortent des immeubles de logements sociaux. Au milieu de ces construc- tions au néoréalisme un peu convenu, une surprise longe la rue Emile-Durkheim, sur le flanc est de cette BNF signée Dominique Perrault. Le bâtiment conçu par l'architecte Francis Soler, pour le compte de la Régie immobilière de la Ville de Paris, rompt avec le conformisme ambiant. Il déroule sur ses longues façades balconnées et sur huit étages une « peau » de verre recouverte d'une fres- que colorée inspirée du « Repas des dieux olympiens », oeuvre de l'architecte italien du XVIe siècle Giulio Romano qui orna son Palais du Té à Mantoue. Discret de jour, la nuit, les lumières intéieures des logements (des PLI, prêts locatifs intermédiaires) laissent paraître, si les rideaux intérieurs ne sont pas tirés, un spectacle graphique qui, de loin, n'est pas sans rappeler une succession d'images sorties tout droit d'écrans d'ordinateurs. L'immeuble est rythmé horizontalement par une succession de plateaux portant des baies vitrées imprimées en sérigraphie, et coupés verticalement par des structures en aluminium, assemblages des garde-corps et de fins câbles verticaux des stores de protection. « L'écriture du bâtiment joue la complicité avec la BNF voisine », reconnaît Francis Soler. Refus de l'amnésie. Pourquoi ces sérigraphies qui rompent avec les canons en cours de l'architecture contemporaine bannissant tout décor extérieur ? « Je ne voulais pas faire une copie de l'ancien mais du moderne qui ne soit pas amnésique. Nous avons donc recomposé la fresque, et les premiers locataires ont pu choisir leur part de sérigraphie », explique l'architecte qui ajoute, sur ce parti pris esthétique : « Je voudrais que cela ressemble à une architecture de l'ordinateur ». Dans les quelque trente logements déjà occupés (une centaine au total), les locataires ne donnent pas l'impression d'être gênés par ce décor (« Soler est le Christian Lacroix de l'architecture », dit l'un d'entre eux). La conception de l'immeuble, et ce qu'elle permet pour les appartements, révèle une véritable ingéniosité. Construit à la manière d'un parking (plateaux de 80 x 14 mètres, poteaux périphériques et soutien au centre avec la présence des locaux techniques), Francis Soler a innové tout en respectant le cahier des charges : coût de construction de 7.500 francs le mètre carré pour aboutir à une location à 53 francs le mètre carré habitable. Immeuble en mutation. « Je voulais un bâtiment qui permette tous les changements possibles à l'intérieur, qui puisse s'adapter aux mutations de la ville ». La simplicité de la structure appuyée sur des sols en résine colorée sur chape de béton permet tous les jeux d'espace souhaités. Des appartements à la demande, en somme, avec une insonorisation soignée par la double façade de verre à ouvrants coulissants donnant accès à d'étroits balcons. L'immeuble de Francis Soler affiche une réelle intelligence. Une belle consolation pour cet architecte de quarante-huit ans maintes fois primé mais qui, remportant les concours pour réaliser le Centre de conférences inter- nationales du quai Branly à Paris (1990) et le bâtiment du ministère de la Culture de la rue Saint-Honoré (1996), n'a pas pu concrétiser jusque-là ces deux projets pour des raisons politico-économiques. Jean-Pierre Bourcier
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