FESTIVAL + Avignon se joue des frontières du théâtre

Dieux et théâtre font souvent bon mariage. C'est le destin des spectacles vivants que d'enfiévrer les âmes et de scruter les cieux. Pour sa cinquante et unième édition, le Festival d'Avignon (1), qui s'ouvre aujourd'hui pour trois semaines, n'y coupe pas. Dans sa programmation, d'abord, plus réduite que l'an dernier (30 spectacles au lieu de 50) pour cause de jubilé (2), mais très éclectique (voir ci-dessous), il étrenne les honneurs de la cour du palais des Papes avec Nathan le Sage de l'Allemand Lessing (1729-1781), mis en scène par le très attendu Canadien Denis Marleau, un drame où un même dieu pousse à la tolérance trois religions qui se regardent en chiens de faïence quelque part autour de la Méditerranée... Dans son organisation, ensuite : Bernard Faivre d'Arcier, son directeur, se débrouille tant bien que mal avec les divinités de l'argent pour tenir son budget (voir encadré) et attend au moins une trêve dans la guerre météorologique qui dégoulinait des cieux du Vaucluse. « La star, c'est l'oeuvre ». « L'avenir est aux pratiques culturelles minoritaires, et le théâtre en est une », martèle Bernard Faivre 'Arcier, qui ajoute : « A Avignon, la star c'est l'oeuvre. » Ne lui a-t-on pas un peu reproché justement l'an dernier ce manque de stars ? Pour cette édition 1997, le directeur renvoie à la lecture du programme, reconnaît les prises de risques et souligne es valeurs sûres. Pas tant maigrelet que cela en effet ce festival « In », l'officiel, entre le dernier morceau de théâtre équestre offert par Zingaro et le copieux programme russe avec de jeunes troupes invitées. « Pour avoir un bon spectacle de création dans la cour d'honneur, il faut compter au moins 1 million de francs. Il ne peut s'agir que de coproductions », précise-t-il pour mieux souligner la difficulté de monter un programme, alors que la concurrence est devenue sans pitié entre les festivals en Europe. La danse est prise dans le même tourbillon. Avignon, qui affiche notamment le chorégraphe Prejlocaj cette année, innovait il y a trente ans avec Béjart. Depuis, Montpellier, Châteauvallon ou encore Aix-en-Provence font aussi honneur aux danseurs. Lieu de rencontres. Quoi qu'il en soit, Avignon et son festival « In » ou « Off » restent un formidable lieu de rencontres. Le bouche-à-oreille fonctionne, les organisateurs de tournées et responsables d'institutions théâtrales sont présents et ils entretiennent un véritable marché de l'emploi. Les conseillers culturels français en poste à l'étranger (140) sont de la partie. Les médias aussi, même si l'on n'est pas à Cannes. Cette année, le directeur du festival n'est pas peu fier d'avoir obtenu de la Commission européenne le principe d'une subvention. « J'attends quelque 90.000 euros. » Un joli pourboire pour un budget amaigri. Et une première reconnaissance pour une mise en bouche d'un théâtre européen et mondial souhaité par Faivre d'Arcier, les yeux tournés vers l'an 2000, où Avignon sera sacrée « Ville européenne de la culture ». « Le théâtre russe est présent avec de jeunes compagnies. N'oublions pas qu'il s'agit d'une grande nation théâtrale qu'il faut aujourd'hui aider. Et pour être mondial après 2000, notre bout de péninsule euro-asiatique doit se tourner vers l'Est. Je propose de parrainer une opération théâtrale Est-Ouest. » Le sigle de son programme est déjà trouvé : « THEOREM » ou « Théâtre de l'Est et l'Ouest. Rencontres européennes du millénaire ». Les Avignonnais ne s'en plaindront pas plus que d'habitude, eux qui forment contrairement à ce que l'on croit le groupe le plus homogène du public du festival. Et si beaucoup d'habitants partent pendant ce « carnaval », c'est peut-être pour la tranquillité, mais aussi souvent pour arrondir une fin de mois en louant le logement déserté. Jean-Pierre Bourcier, à Avignon (1) Du 10 juillet au 2 août. Renseignements : 04.90.14.14.14. (2) 1996 a marqué le cinquantenaire du festival créé par Jean Vilar en 1947.
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