Gérard Lesne, la voix de vif-argent

Rien de plus authentiquement généreux - entre audace et connivence - que le parcours de Gérard Lesne. Franc-tireur de la voix, il refuse étiquettes et destin artistique (et marketing) trop linéaires. S'il sacrifie à la compilation bilan, Ombra mai fù (Virgin), remarquable concentré d'émotions stylisées de Caldara à Vivaldi, entre béatitude et épuisement, bouquet des aigus les plus sereins de sa voix vif-argent, c'est pour aussi exprimer sa hargne et ses espoirs dans ses rocks Mad'lesne. Aussi éloigné qu'ils puissent paraître, les deux registres participent pourtant de la même foi artistique : trouver dans la jubilation du chant un redoublement d'existence. « En réalité, le rock et le jazz vous ouvrent à tout. Le baroque m'a fasciné parce qu'il nécessite un autre type de voix et de technique. » Lesne épanouit ses rêves - écrire et chanter sa propre mu- sique - comme son instinct d'interprète baroque a su se libérer de trop rigides recherches musicologiques. « Une fois effectué ce travail de mise en forme, notre tâche, avec Il Seminario Musicale, est d'en sentir les aspects indicibles, impalpa- bles et de les transmettre au public. » Déclarations d'amour répétées (de Bononcini à Stradella). Souci du bel ouvrage (écoutez-le dans Carmina Burana de Orff dirigé par Michel Plasson [Emi]). La réussite du plus populaire des altos masculins ne le fait renoncer ni à ses intuitions ni à son identité. Chanter, porter la musique, reste la préoccupation constante de ce pur artiste, par ailleurs, pétri de pudeur, de sobriété, de rigueur. « Je ne cherche pas la virtuosité, car ma spécificité est ailleurs, plutôt du côté du drame que de la démonstration technique », souffle-t-il. Au plaisir purement esthétique de la voix proprement bouleversante, propice à la rêverie sereine, s'ajoute le bonheur de découvrir des nuances souvent occultées : baroque tragique (de Charpentier à Stradella), baroque onctueux (de Monteverdi à Vivaldi) se prolongent et se confrontent ; flagellation et sucreries, déréliction et volupté. L'art si bien assumé de Gérard Lesne est un trop-plein de jouir et de sentir. Cet engagement (soutenu depuis le début par la fondation France Télécom) force le respect. Olivier Olgan Avec Il Seminario Musicale, Gérard Lesne interprète des cantates de Caldara, Galuppi et Clérambault, le 19 janvier au Théâtre de la Ville de Paris (42.74.22.77).
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