CINÉMA + Les joyeux soliloques de deux cadres à la dérive

Al Fountain, cadre moyen dans une compagnie d'électricité américaine. Dur dans le boulot, solitaire dans la vie. Lieu de résidence : Chicago (Etats-Unis). Signe caractéristique : se parle tout seul, si possible de lui-même. M. Rak. Cadre moyen dans une PME française. Accro au boulot, solitaire dans la vie. Lieu de résidence : Paris (France). Signe caractéristique : se parle tout seul, si possible de lui- même. Ainsi posés, les sujets de deux films à l'affiche ce mercredi 9 juillet, le Silence de Rak de Christophe Loizillon et Box of Moonlight de Tom DiCillo, pourraient se ranger dans la catégorie « le malaise des cadres ». C'est bien d'ailleurs, le propos de départ, avant de lentes et savantes digressions sur un autre thème, plus riche, plus novateur, mais tout autant dans l'air du temps : il y a une vie après le travail. Frénésie. Le jour même de son licenciement brutal, M. Rak (François Cluzet) ouvre un dictionnaire et apprend l'origine du mot travail, du latin tripalium, nom d'un instrument de torture. Cette découverte, à la fois fondamentale et très perturbante pour lui, le plonge dès lors dans une sorte de frénésie. Dans un Paris poétique et hors du temps, il va braquer une agence immobilière, tenter de recruter des chômeurs pour vendre une encyclopédie musicale imaginaire, nouer une histoire d'amour avec une belle violoncelliste venue d'ailleurs, Lucie (Elina Löwensohn, nouvelle coqueluche du cinéma français, également à l'affiche d'un autre film qui sort cette semaine sur les écrans, Mauvais genre de Laurent Bénégui). Contes modernes. Pour sa part, Al Fountain (John Turturro) apprend, un jour, par une executive woman descendue d'hélicoptère, que le chantier sur lequel il fait trimer ses ouvriers est abandonné. Pour sa peine, on lui offre une coquette prime et quelques jours de congé. Au lieu de rentrer sagement à la maison, pour faire répéter les tables de multiplication à son fils, Al va louer une voiture et prendre la route au hasard. Chemin faisant, il rencontre le Kid (Sam Rockwell), un post-baba écolo qui vit au petit bonheur la chance dans une caravane abandonnée au milieu de la forêt. D'abord indigné, Al va petit à petit découvrir les charmes de la vie très sauvage du Kid. Comme Lucie pour M. Rak, le Kid sera pour lui un puissant révélateur de cette autre vie, dont le travail ne les faisait même pas soupçonner l'existence. Ces deux contes modernes, filmés avec soin par un Français, Christophe Loizillon, venu du documentaire, et un Américain, Tom DiCillo, déjà remarqué avec Johnny Suede et Ça tourne à Manhattan, sont bien servis par des comédiens très solides, François Cluzet et John Turturro, inégalables l'un et l'autre dans l'art délicat du soliloque à l'écran. Leur morale commune est forcément assez simple : travaillez moins, ne parlez plus seulement à vous-même, une vie formidable vous attend « chez les autres ». Et comme c'est frappé au coin du bon sens, on prend un grand plaisir à regarder ces deux films, même si Box of Moonlight aurait pu être sans problème raccourci de quelques minutes. Sur un tel propos, on n'en voudra cependant pas à Tom DiCillo de prendre tout son temps... Jean Stern
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