La succession des dirigeants français reste taboue

Peu à peu, la France rattrape son retard en matière de gouvernance. Mais des progrès restent à faire, en particulier en matière de succession des dirigeants. Alors que dans des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis l'exercice s'est professionnalisé, les groupes cotés français sont trop souvent mal préparés et incapables d'affronter une crise de succession (scandale financier, décès du PDG, etc.). Les exemples français de prises de relève mal gérées sont légion. En 2007, Grégoire Olivier avait quitté au bout de six mois la direction de Faurecia. À la Société Générale, le plan de succession initial n'a pas résisté à l'affaire Kerviel. La grave crise de gouvernance d'Atos a, elle, été largement médiatisée.Le sujet reste tabou en France. " Penser à sa succession pour certains dirigeants, c'est déjà se rapprocher de la sortie ", explique Florence Magne chez CTPartners. L'affaire se complique encore dans les sociétés familiales ou dans un secteur comme celui des médias " avec bien souvent l'hégémonie des dynasties ", note Alexandra Alberti, chez CTPartners. En pratique, l'affaire dépend trop souvent du bon vouloir du dirigeant. Pourtant " cela relève de la responsabilité des conseils d'administration, rappelle Diane Segalen, vice chairman de CTPartners. Le comité de nominations ou de rémunération doit demander un élargissement de ses responsabilités aux problématiques de succession ".DIFFICULTE D'APPLICATIONMais si les principes de bonne gouvernance sont en place dans la majorité des sociétés cotées françaises, encore faut-il les appliquer. La consanguinité perdure. Et l'administrateur indépendant n'a souvent d'indépendant que le nom... " Au Royaume-Uni, des administrateurs réellement indépendants doivent être recrutés par des consultants externes et non pas choisis par le dirigeant de la structure ", relève Sylvain Dhenin, vice chairman Monde de CTPartners.Le sujet est pourtant prégnant avec 28 % de dirigeants de plus de 60 ans et 17 % de plus de 65 ans en France. Selon une étude de CTPartners auprès de 115 sociétés du SBF 120, seuls 17 % d'entre elles font appel à des recrutements extérieurs pour la succession de leur PDG contre 31 % au Royaume-Uni et 32 % aux États-Unis. Ce recours à l'externe est justifié par la traversée d'une crise dans plus de la moitié des cas, par des raisons politiquesà 25 % et par un départ à la retraiteà 20 %. Les entreprises privilégientà 83 % la promotion interne, choisissant souvent le responsable d'une business unit ou d'une filiale à l'étranger. Schneider Electric a ainsi identifié très en amont les potentiels successeurs en les mettant en charge de responsabilités à l'international avant de désigner Jean-Pascal Tricoire.ORGANISATION TRANSITOIRELa solution classique consiste à mettre en place une organisation bicéphale le temps d'assurer la transition, avec un PDG devenant président du conseil de surveillance et un dauphin directeur général délégué. Conditions de réussite : une période transitoire d'une durée raisonnable et une date de départ claire. Michel Pébereau ou Louis Schweitzer ont su le faire. " Une entreprise bien gérée devrait avoir en permanence une idée claire des potentiels en interne ou, le cas échéant, en externe pour faire face à n'importe quel scénario ", souligne Diane Segalen. Principal défaut du système : le sentiment de frustration des personnes non retenues qui peut engendrer les départs simultanés de hauts potentiels. Une mésaventure vécue par GE après le départ de Jack Welsh.
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