« Prendre du recul est un investissement »

Par latribune.fr  |   |  652  mots
« La Tribune ». - Comment les dirigeants s'y prennent-ils pour partir en vacances lorsque l'entreprise continue de tourner ? Robert Papin. - Il y a deux types de dirigeant d'entreprise. Le premier est celui qui délègue des pouvoirs à ses collaborateurs et part en vacances l'esprit tranquille pendant quinze jours ou trois semaines, sans portable. Déléguer ne signifie pas se décharger sur un subalterne des tâches ingrates ou qu'on n'a pas le temps de faire. Cela ne veut pas dire non plus abdiquer en négligeant de contrôler. Cela consiste à mettre en place une direction par objectifs en laissant le soin aux collaborateurs de déterminer les actions à entreprendre. Le second est celui qui doute et part, la mort dans l'âme, avec son portable et tous les soucis dans ses bagages. Résultat : ses vacances ne se traduisent aucunement par une diminution de stress. C'est souvent le cas des créateurs d'entreprise. A 80 %, ils n'arrivent pas à se détacher de leur entreprise. Pour eux, tout est stratégique, même le petit détail. Ils n'ont pas su confier à leurs collaborateurs des responsabilités. C'est un signe de fragilité. Un patron qui n'a pas délégué va s'en remettre dans la plupart des cas à son assistante. C'est elle qui fait le numéro du portable pour informer son supérieur des questions qui se posent. Dans certains cas, un responsable de société stressé a peut-être intérêt à rester dans l'entreprise. Etre présent dans une entreprise qui marche à faible régime est parfois plus reposant que partir en vacances le ventre noué par une anxiété permanente. Cela explique qu'une proportion non négligeable de dirigeants ne partent que rarement en vacances. Un bon patron se reconnaît-il au fait de prendre des vacances ? D'une certaine manière, oui. Généralement, ces dirigeants incluent la réflexion stratégique, anticipent et détectent les problèmes. De telles entreprises deviendront importantes. Je considère que prendre des vacances et du recul est un investissement. Il faut déconnecter. Aussi est-il important que les plannings commerciaux soient établis dès le mois de juillet. Un retour mal préparé peut tourner à la catastrophe. Quelques indicateurs financiers permettent d'évaluer le financement des besoins et, donc, de ne pas être pris de cours. Un responsable d'entreprise n'a pas le droit de partir sans prévisions de trésorerie. Le meilleur moyen, c'est de préparer la rentrée dès le mois de juillet. Car le mois de septembre peut être chargé et il n'est rien de plus pénible à gérer qu'une organisation laissée en plan. Exemple : le courrier. Un courrier qui s'amasse gâche le retour. Déléguer le courrier par exemple afin qu'il soit trié et directement traitable est un poids en moins jugé appréciable. Le moindre mal, se faire envoyer le courrier et consacrer une demi-journée à le consulter. Les responsables de PME sont-ils prêts à abandonner une partie de leur pouvoir pour partir en vacances ? Ceux qui acceptent l'idée que leurs collaborateurs peuvent être meilleurs qu'eux sont rares. Dans la mentalité des hommes orchestres que sont les dirigeants de PME, on est irremplaçable. C'est un tort. Une entreprise qui ne fait pas confiance à ses salariés n'est pas une entreprise motivante. En octroyant des responsabilités, on incite à relever des défis et on permet de tester des limites. C'est un bon moyen de connaître ses collaborateurs et de reconnaître leurs compétences. Fort heureusement, durant les dernières années, des changement se sont produits. Avant la crise, le management était paternaliste et affectif dans 90 % des cas. Après la crise, l'affectif marque le pas pour laisser place à l'efficacité. On met la pression sur le collaborateur. L'efficacité de ces derniers a augmenté en conséquence. Propos recueillis par Y. de K.