Malgré la baisse, l'assurance vie offre encore 7 % de gain

Deux mille milliards de francs d'épargne gérée : c'est le cap franchi en 1995 par l'assurance vie, grâce à une collecte proche de 400 milliards de francs. Une fois de plus, l'essentiel des sommes versées dans l'assurance sont allées rejoindre les contrats en francs à taux minimum garanti ; bien que les rendements se soient nettement orientés à la baisse. En effet, les résultats connus à l'heure actuelle (ils sont rares, car la plupart des compagnies attendent de connaître, le 16 janvier, le taux qui sera servi par l'Afer pour se positionner) font apparaître une performance tournant autour de 7 % l'an passé. Chez Natio Vie, la filiale de la BNP, le fonds en francs de Multiplacement a ainsi rapporté 7,20 % net (6,60 % pour le contrat à primes périodiques) ; à Mutavie, filiale de la Macif, le rendement du contrat phare Actiplus est de 7,15 % net (6,40 % pour la version qui supporte des frais de gestion ; 7,45 et 6,70 % pour les PEP assurance) ; à la Mutualité Française, ils s'échelonnent de 7,09 % à 7,63 % selon les contrats, chez Zurich, le contrat Zurich Revenus à versement unique rapporte 7,39 %, le contrat à versements libres 7,25 % et le contrat à versements échelonnés 7,20 %. La Caisse d'Épargne annonce des gains de 6,80 % (Ecureuil Projet) à 7,50 % (Garantie Retraite Écureuil). Pour mémoire, en 1994, les contrats en francs avaient procuré, en moyenne, un rendement d'environ 7,70 %. Fin des exceptions. Même si ces taux restent tout à fait attrayants comparés à l'inflation (2 % au maximum), et s'ils sont supérieurs aux sombres prévisions formulées en cours d'année, c'est une page qui se tourne sur les revalorisations exceptionnelles qui avaient, depuis dix, ans jalonné l'existence de l'assurance vie. Elles étaient systématiquement supérieures à 7 % en termes réels. Dans la mesure où la baisse des taux d'intérêt obligataires se poursuit, il est fort probable que l'érosion du rendement de l'assurance vie suive le même rythme ; l'effet de stock procuré par les obligations anciennes, à taux élevé, ayant désormais tendance à se tarir. Malgré cela, il est tout à fait possible que certains produits continuent à servir un rendement très élevé, supérieur à 7,5 %, voire 8 %. Ce sera notamment le cas dans des sociétés ayant constitué au préalable de copieuses « provisions de participation aux excédents », et qui pourront piocher dans ce trésor de guerre pour exhiber un taux plus qu'honorable, et ainsi attirer le chaland. Pour être tout à fait légale, cette manoeuvre n'e est pas moins trompeuse, car elle ne préjuge en rien de l'avenir du produit, d'autant que l'augmentation de la masse d'épargne à revaloriser aura pour conséquence de diluer les prochaines participations aux bénéfices. La prudence est donc de rigueur... Pour les contrats en unités de compte, le bilan ne sera guère plus favorable. A l'exception notable des fonds obligataires, la plupart des compartiments procureront, soit une baisse (en particulier les fonds immobiliers), soit un résultat blanc (actions françaises). C'est donc la qualité du gestionnaire retenu qui pourra permettre de faire la différence. Sur le front des produits, l'année 1995 se sera traduite par un fort développement des contrats en unités de compte à performance au terme garantie. Adossés sur des OAT démembrées, ces produits ont connu un succès colossal lorsque les taux d'intérêt obligataires se sont tendus, puisqu'ils ont permis d'offrir des taux certains supérieur à 8 % sur dix ans. Une opportunité qu'il fallait saisir sans attendre, car la vague a reflué au même rythme que la baisse du prix de l'argent à long terme. Aujourd'hui, d'ailleurs, les contrats de ce type font pâle figure : ils ne peuvent offrir qu'un rendement garanti de 6,5 % sur dix ans. Le « clé en main » en vogue. L'autre grande nouveauté de l'année, c'est la généralisation des contrats multisupports à « pilotage automatique ». Partant du principe que la grande majorité des épargnants ne sait pas utiliser convenablement un multisupport, et qu'une infime minorité procèdent à des arbitrages, les assureurs se sont presque tous lancés dans la commercialisation de produit « clés en main ». Dans ce cas, l'assuré achète une politique de gestion (le choix est souvent limité à trois grandes orientations : sécurité, équilibre ou dynamique), mais c'est le gestionnaire qui se charge de gérer entièrement les supports et de doser le « panachage » entre les différents marchés. La plupart de ces contrats ayant été créés en cours d'année, il est difficile d'apprécier aujourd'hui la pertinence de ces montages qui ont pour but de rendre simples des choses compliquées... Mais l'année 95 restera surtout marquée par la brèche ouverte dans la fiscalité de l'assurance vie. Le gouvernement a entrepris de rogner l'avantage qui était offert à l'entrée sous la forme d'une réduction d'impôt égale à 25 % des sommes investies, dans la limite de 4.000 francs par foyer plus 1.000 francs par enfant à charge. Cet avantage n'est plus accordé que dans deux cas précis : pour les personnes qui paient moins de 7.000 francs d'impôts et pour celles qui, payant une somme supérieure, effectuent des versements sur un contrat à primes périodiques souscrit avant le 20 septembre 1995. Signal d'alarme. Autre coup dur, celui reçu, sur le terrain juridique cette fois, contre le statut particulier dont jouit l'assurance vie en matière de succession. Jusqu'ici, il était établi que l'épargne investie sur les contrats échappait aux règles générales du Code civil concernant la réserve et la quotité disponible. Un assuré pouvait donc y placer les sommes qu'il voulait et nommer le bénéficiaire de son choix, sans que les héritiers légaux y trouvent à redire. Seule condition à respecter : l'argent investi ne devait pas être disproportionné par rapport aux possibilités de l'assuré. En considérant que les contrats en francs à versements libres s'apparentaient à de simples produits de capitalisation - et donc que les règles civiles s'imposaient ici comme ailleurs - des juges ont semé la confusion aussi bien chez les assureurs que chez les assurés. Bien que frappé d'appel, ce jugement représente un signal d'alarme pour l'assurance vie : à force de banalisation, les contrats sont devenus de simples produits financiers presque comme les autres, et ils ne méritent donc plus de traitement de faveur. La profession essaie désormais de sauver le dernier volet exceptionnel de l'assurance vie : l'exonération des droits de succession au point de vue fiscal (*). En arguant que le régime juridique n'a rien à voir avec le régime fiscal, et en mettant en avant les risques de délocalisation de l'épargne qui suivraient une remise en cause de cette exonération, elle compte bien préserver ce qu'il reste de son pré carré. Sur ce point, il faudra vraisemblablement attendre la fin 1996, voire 1997, pour y voir plus clair. Eric Leroux (*) Cette exonération est totale pour les sommes versées avant soixante-dix ans, limitée à 200.000 francs pour les primes versées après cet âge.
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