Privatisations : la machine est grippée

Lundi 18 décembre, premier jour de cotation en Bourse de l'action Pechiney privatisée : le système informatique de la SBF s'enraie. Dès l'ouverture, à 10 heures, une multitude d'ordres se présentent à la vente. En face, il n'y a guère de demandes. Il faudra plusieurs suspensions pour arriver à coter 180 francs, puis 178, 176,50, 178,10 et, enfin, 175,10. A ce cours, ceux qui ont répondu à l'OPV au prix de 187 francs ont déjà perdu 11,90 francs, soit 6,36 %, sans les frais. La baisse se poursuit lors des séances suivantes jusqu'à 167 (- 10,7 %) avant une petite reprise à 169,80 pour finir l'année. Le système de placement est fait de telle façon qu'il faut demander plus qu'on ne veut puisqu'il y a un contingentement. Habituellement, cela fonctionne. En l'occurrence, les titres ont été servis dans une large proportion, de sorte que beaucoup d'investisseurs se sont retrouvés avec des quantités qu'ils ne pouvaient pas payer. D'où le reflux immédiat sur le marché. Les établissements bancaires garants de l'opération ont absorbé le trop-plein... de mauvaise grâce. Il est très rare qu'une introduction se solde par un tel désastre compromettant la carrière boursière de la valeur. En ce qui concerne les privatisations, il n'y a qu'un précédent : celui de Suez, qui avait inscrit un premier cours en baisse de 17,7 % mais dans des circonstances exceptionnelles. C'était en octobre 1987 et le « krach du siècle » était intervenu entre la mise en vente et la cotation. Pour Pechiney, le gouvernement a mal choisi le moment : mauvaise visibilité sur les activités cycliques du groupe et, surtout, dépression du marché et confiance limitée des épargnants et des institutionnels. Les souscripteurs ont gardé un mauvais souvenir des opérations du même genre lancées depuis 1993. Si le Crédit Local de France et la BNP ont résisté, Rhône-Poulenc (vendu en novembre 1993) est en baisse de 22,3 %, UAP (mai 1994) de 15,8 %, Renault (novembre 1994) de 14,5 %, Usinor-Sacilor (juillet 1995) de 24,7 %. Seule, la Seita a été gagnante, et largement. Depuis février 1995, elle a monté de 37,6 %. En 1995, l'Etat n'aura pu récupérer que quelque 22 milliards de francs sur les privatisations contre 60,3 milliards en 1994 et une cinquantaine de milliards par an d'après les premiers objectifs. Le programme pour 1996 porte sur 40 milliards. Ce montant paraît maintenant ambitieux même si les conditions du marché sont favorables. La machine est grippée et les groupes en lice ne sont pas au meilleur de leur forme : le secteur des assurances (AGF, GAN) est impliqué dans l'immobilier et la banque, Renault (dont la majorité appartient encore à l'Etat) est soumis aux aléas de l'automobile. Quant à France Télécom, sa privatisation ne manquerait pas de provoquer des problèmes sociaux. L. D.
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