Les leçons monétaires de la Belle Epoque

Jusqu'en 1914, le régime de l'étalon-or, fondé sur la convertibilité permanente des monnaies en or, s'apparente à une quasi-union monétaire dans certains de ses effets. Les pays européens forment alors une zone d'une remarquable stabilité monétaire. « Le fonctionnement du système étalon-or pourrait se comparer au SME (système monétaire européen) d'avant 1993, les taux de change entre les monnaies sont fixes mais varient en réalité à l'intérieur de bandes de fluctuation dont le centre est défini par le poids en or des monnaies », précise Marc Flandreau, économiste au CNRS qui poursuit en collaboration avec Jacques Le Cacheux, économiste à l'OFCE, une vaste étude sur cet « âge d'or » emporté par les tourments de la Première Guerre mondiale. « Cette expérience présente un précédent intéressant pour étudier les dynamiques de la convergence qui se fit en dehors de tout cadre formel multilatéral et sans critères pré-établis de nature supra-nationale », ajoute le spécialiste. Ambition économique. A l'époque, seule l'ambition économique motive la coopération monétaire : la stabilité des changes est nécessaire au transfert des capitaux anglais, français et allemands. Pour attirer ces derniers, les autres pays européens ont intérêt à adopter le système choisi par leurs créanciers. Les marchés financiers jouent le jeu et, pendant la période 1880-1914, la mobilité du capital est très forte. Si les conditions économiques changent, les réponses changent aussi : en l'absence de marché unique, les pays conservent l'arme des droits de douane. En cas de concurrence déloyale, « l'unfair trade » s'applique. Le libre-échange absolu, souvent évoqué à propos de cette période, est un mythe. A la veille de la guerre, avec des pays aux structures économiques hétérogènes, avec des Etats aussi différents qu'une Grande-Bretagne et une France libérales, une Allemagne étatique ou une Russie autocratique, l'Europe de l'étalon-or s'érige en modèle. Mieux, la convergence des taux d'intérêt longs observée pendant la Belle Epoque s'opère avec des dettes publiques bien excessives au sens actuel de Maastricht. Pour une majorité de pays, les ratios d'endettement public (dette/PIB) dépassent 60 % et même souvent 80 %. En fait, la convergence semble s'être réalisée implicitement grâce aux efforts structurels engagés par plusieurs Etats. L'Autriche-Hongrie ou la Russie, par exemple, réforment en profondeur leur système fiscal. « L'endettement public ne se fait pas dans une optique keynésienne de relance, précise Marc Flandreau, il s'agit d'investissements productifs, de dépenses d'infrastructures, les "railway debts" prises en charge par les pouvoirs publics. » Autrement dit, la dette est soutenable car les investissements financés sont profitables et génèrent la croissance. Parallèlement, le taux d'inflation global, en hausse, contribue à amortir cette dette. Dépenses d'investissement. Il faut noter que, lors des négociations du traité de Maastricht, l'Allemagne avait proposé de ne pas prendre en compte les dépenses d'investissement dans le respect du critère de déficit public (limité à 3 % du PIB). La situation économique actuelle et l'expérience de l'étalon-or suggèrent qu'il eût été en effet plus pertinent de n'inclure que les dépenses courantes dans ces fameux 3 %. Mais le gouvernement Bérégovoy avait alors fait triompher la solution inverse, fort de la vertu budgétaire de la France, qui avant 1993, n'avait pas connu depuis bien longtemps un déficit budgétaire de 3 %... C. V.
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