La mortalité des PME innovantes n'est pas inéluctable

Pourquoi en France, en dépit des efforts de tous, et notamment des pouvoirs publics, les PME innovantes trébuchent-elles ? Les fondateurs croient pourtant en leur « idée », et rien ne peut les faire douter. Le projet prend corps, les capitaux initiaux sont là, les économies des uns et des autres y ont pourvu. Alors pourquoi tant de déconvenues ? A titre d'exemple, prenons le cas des innovations dites à « cycle lent ». C'est le cas par exemple des systèmes de transactions électroniques mettant en oeuvre les cates bancaires à microcircuit. En France, ces systèmes ne sont d'utilisation courante que depuis une dizaine d'années alors qu'en fait on en connaît les principes depuis vingt ans. Les innovations technologiques à cycle lent ont une influence sur la croissance. Ce sont des locomotives pour des pans entiers de l'industrie. Elles induisent la création de PME qui développent les applications et les services issus de ces technologies. Leur facteur démultiplicateur est considérable. On pourrait penser que de telles mutations ne sont réalisables que par de grands groupes industriels. L'histoire de la carte à mémoire prouve que des PME comme Innovatron ou Gemplus peuvent relever d'importants défis. Innovatron a concédé plus de 220 licences aux plus grandes multinationales, engrangeant environ 500 millions de francs de redevances. Quant à Gemplus, avec au départ une centaine de personnes, la société réalise aujourd'hui plus de 3 milliards de chiffre d'affaires. Malgré tout, ces succès ne doivent pas faire illusion. Les PME qui promeuvent des innovations à cycle lent ont un taux élevé de mortalité. Les causes principales tiennent aux décalages inévitables entre les prévisions et les résultats atteints. Tout est là ! Le péché originel des analyses économiques traditionnelles est d'occulter le régime transitoire, la phase d'émergence. On présuppose que le marché sera au rendez-vous. Et pourtant, si les fondateurs se donnent les moyens de gérer le facteur temps, l'échec peut être évité. En fait, il convient pour les fondateurs, et les actionnaires qui vont les soutenir, de planifier l'évolution de la composition du capital. Y sont-ils prêts ? On peut distinguer trois phases dans l'évolution de l'actionnariat. 1. Les inventeurs-fondateurs. Ils occupent le devant de la scène lors de la première phase. Eux seuls sont en mesure de piloter les développements techniques et de présenter l'innovation. L'entreprise devra alors médiatiser l'invention à travers le ou les inventeurs. Un génie charismatique, voilà qui crédibilise toute création de l'esprit. 2. Les investisseurs institutionnels. C'est lors des premières actions commerciales qu'apparaissent les difficultés majeures. Une mutation technologique susceptible de changer la nature des relations avec la clientèle ne se décide pas du jour au lendemain. L'entreprise doit franchir toute la gamme des tests techniques et des tests pilotes, que chaque client potentiel entend lui faire passer. La commande effective se concrétisant dans le meilleur des cas un an après les premières confirmations techniques, la PME doit s'organiser pour perdurer pendant toute cette période. C'est à ce stade que de nombreuses PME commencent à trébucher. Elles n'ont plus de ressources financières. Les fondateurs se rendent alors compte qu'ils doivent faire entrer de nouveaux investisseurs dans le capital de la jeune PME. C'est pourquoi elle doit rassurer les investisseurs en montrant qu'elle est en mesure de réserver à son profit les innovations technologiques du secteur où elle opère. A ce stade, l'audit « Propriété industrielle » des PME révèle généralement des insuffisances. Un portefeuille de brevet incohérent par rapport à la stratégie industrielle annoncée est une fausse note qui peut décourager les investisseurs. En fait, les dirigeants français connaissent mal les questions de propriété industrielle. Alors que les investisseurs lui accordent une importance fondamentale. Un autre problème est généralement sous-estimé : que deviennent les fondateurs-inventeurs lors de l'entrée de nouveaux investisseurs ? Très vite, ces derniers demandent des comptes détaillés, s'interrogent sur la capacité des fondateurs à mener à bien le projet industriel. En fait, si l'entreprise a su s'approprier, par une utilisation judicieuse de la « Propriété industrielle », le patrimoine technologique qui lui appartient légitimement, les pressions exercées par les fondateurs-inventeurs pour protéger leurs intérêts personnels ne devraient pas la déstabiliser. Un actionnariat lucide et déterminé peut faire face à cette situation, quoi qu'en pensent les inventeurs-fondateurs. 3. L'adossement industriel. La troisième phase du cycle d'évolution du capital apporte à l'entreprise l'adossement industriel dont elle a besoin pour assurer sa croissance. La PME qui a atteint ce stade d'évolution est généralement sortie d'affaire. Une série de commandes a été passée, les techniques sont au point. Pour rassurer ses clients grands comptes, il lui faut appartenir à un groupe industriel ayant des activités pérennes. Non, la mortalité précoce des PME innovantes n'est pas inéluctable ! Les PME peuvent être à l'origine de nouveaux secteurs industriels entraînant la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Toutefois, il est fondamental que dirigeants et actionnaires apprennent à gérer le temps et le cycle d'évolution de l'actionnariat. La clé : intégrer de manière prioritaire la propriété industrielle dans le projet d'entreprise.
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