La guerre du renseignement s'étend aux PME

On les compte en milliards de francs ! Personne ne vous avouera le détail des pertes industrielles françaises consécutives à des opérations de renseignements. Une menace qu'il ne faut pas sous-estimer, et face à laquelle des mesures conservatoires s'imposent pour garder un avantage concurrentiel durable. Le traitement de l'information devient hautement stratégique. En amont, avec un nouveau management de l'information à travers une démarche « d'intelligence économique » (la Tribune du 14 juin). En aval, avec une protection efficace contre d'éventuels agresseurs. Mais la nature des menaces a évolué. Ce n'est pas qu'une question de coffre-fort ! « Les services spécialisés dans la surveillance du territoire constatent une nette augmentation de l'illégalité économique visant les PME ; or celles-ci n'ont souvent pas les moyens d'identifier les attaques », expliquent Pascal-Jacques Gustave et Nicolas Moinet, auteurs d'une étude sur le sujet au sein du cabinet Intelco (structure d'information économique spécialisée dans le domaine de la défense). Si les agressions de nature économique sont théoriquement prises en compte par le Code pénal, encore faut-il identifier une visée hostile et faire en sorte que celle-ci tombe sous le coup de la loi. « Or beaucoup d'actions hostiles se font dans la zone grise de l'information, là où le délit n'est pas reconnu », souligne Christian Harbulot, directeur de Intelco. L'entreprise doit savoir d'où vient le danger et anticiper la menace. Rien n'interdit d'écouter fortuitement la conversation de deux cadres dirigeants dans un avion ! Ou de relater quelques informations, non pas avec la volonté de nuire, mais simplement de se « mettre en avant ». Verrouillage systématique. L'heure est au verrouillage plus systématique des informations clés. A ce titre, certains tombent dans l'excès inverse : pour ne pas en dire trop, ils ont tendance à donner une information peu convaincante (lire Voir Evenementpage 16). Et de plus en plus nombreuses sont les entreprises qui préfèrent se faire mettre à l'amende plutôt que de déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce. Plus d'une sur dix aurait opté pour cette solution. Paradoxalement, plus de 90 % des informations sont accessibles facilement sur Internet ou Minitel, dans les rapports annuels, les revues spécialisées, sans oublier les informations glanées dans les salons professionnels ou lors du dépôt de dossiers pour l'obtention d'aides, au niveau régional ou européen. Pour en savoir plus, tous les moyens sont bons. Recours à un cabinet de consultants en management, sociétés d'études en marketing, débauchage de personnel, copies de disques durs, copyrights, écoutes des conversations, piratage des brevets, fouilles de poubelles, vol de données sur les réseaux informatiques... « En France, tout est visible. » « Beaucoup trop d'informations circulent n'importe comment. En France, tout est visible. Ce n'est pas le cas en Allemagne, par exemple, où, dans le cadre d'une relation commerciale, on ne publie ou ne raconte que le strict nécessaire », souligne Pierre Miallot, PDG de Miallot Associés. Au bout du compte, peu stratèges, mal formés, francs-tireurs, mal protégés, beaux parleurs, les Français ne sauraient pas tenir leur langue et seraient peu enclins à en savoir un peu plus sur les autres. Tout le contraire des rapports d'étonnement japonais, ou de la discrétion germanique, voire du nettoyage par le vide à l'américaine, à l'instar de Procter & Gamble, où consigne est donnée de passer au broyeur les textes utilisés. Et les PME sont naturellement moins averties des dangers de l'indiscrétion, qu'il s'agisse de l'externalisation de certaines activités, du recours à certains conseils extérieurs, du dépôt de brevet, de la certification... Dilemme entre la nécessité de la circulation de l'information et la volonté de protection. « La sécurité ne peut être organisée que si l'entreprise maîtrise la circulation de l'information », poursuit-on chez Intelco. L'identification de ses points de vulnérabilité peut permettre à l'entreprise de cerner les faiblesses de ses concurrents. Les PME négligent l'importance et la valeur de leur patrimoine informationnel. Elles s'en rendent compte, souvent trop tard. Yan de Kerorguen et Estelle Leroy Suite du dossier pages 16-17
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