Audit-conseil : des rapports pas toujours confidentiels

Selon une étude portant sur la moitié des entreprises innovantes françaises (1), 40 % d'entre elles auraient été victimes de contrefaçons dues à des tuyaux percés. Et il n'est pas rare que les premiers montrés du doigt par les entreprises soient les audits et les conseils. « Les consultants ont tendance à décliner trop volontiers leurs références clients pour prouver leur expérience », font remarquer certains cadres dirigeants. Il est donc fréquent qu'ils fournissent à l'occasion des détails supplémentaires. Autre reproche : quand le consultant cherche à revendre, de manière « maquillée » ou partielle, une étude de synthèse réalisée pour une société à une autre entreprise. Cas rare il est vrai, mais qui crée la méfiance. Commentaire d'une entreprise piégée, souhaitant garder l'anonymat : « Il faut avoir une grande confiance en son prestataire pour être absolument sûr que les honoraires versés ne profitent pas indirectement à d'autres, surtout si ces derniers sont des concur- rents. » Il est d'autant plus difficile de préserver une part de confidentialité quand la recherche et l'innovation d'une entreprise sont en grande partie externalisées. En particulier, lorsque le conseil-partenaire, spécialisé dans la veille technologique et l'analyse des brevets, est habitué à chasser l'information. Qui garantit qu'il ne commettra pas l'imprudence d'en dire un peu plus qu'il n'en faut à un autre de ses clients ? « Si un concurrent d'une entreprise vient demander une intervention, nous refusons systématiquement. Un contrat stipule l'exclusivité de la relation engagée », répond Alain Waha, du Cambridge Consultant. « La meilleure protection, c'est un bon contrat et la sensibilisation à la confidentialité de ceux qui détiennent l'information, en particulier les chercheurs qui ont tendance à aimer parler de leurs recherches. La naïveté est le principal moteur de la fuite des informations », soutient Bruno Martinet, directeur de l'information au centre technique d'Italcementi-Ciments Français. Double casquette. Mais pour lui, « un consultant qui se fait prendre la main dans le sac ou dont la confiance laisse à désirer perd sa réputation et très vite sa clientèle. Il n'a donc pas intérêt à jouer les espions. Le conseil en entreprise possède des clients qui lui durent. Ils sont en général peu nombreux, les missions sont étalées dans le temps. C'est une relation de partenaire. Il en va tout autrement pour l'audit qui fonctionne un peu comme un voyageur de commerce, effectuant des missions ponctuelles pendant trois jours à raison d'une centaine par an ». Problème : l'auditeur fait souvent partie d'un cabinet qui a une branche consulting. Il est donc aussi consultant ou peut le devenir. « Il arrive qu'ils abusent de leur fonction de contrôle pour exiger des informations qui n'ont aucune raison d'être dévoilées. » Exemple : un audit très zélé, s'attardant sur la question des modes d'archivage et de documentation d'une société, a été jusqu'à demander à voir le coffre-fort contenant les informations-clés d'une entreprise auditée. Peu d'entreprises lésées vont jusqu'au procès. « Je m'étonne toujours que les entreprises n'aient pas le réflexe de demander des accords de confidentialité ou de clause de non-concurrence », conclut Bruno Martinet. Sur le plan de l'information financière et comptable, cela fait longtemps que le Conseil national des barreaux proteste contre la double casquette audit-conseil utilisée notamment par les grands cabinets internationaux. « Il n'est pas normal que les Big Six assurent à la fois les missions de contrôle et les fonctions de conseil », s'exclame Philippe Peyramaure, du Conseil national des barreaux. Et de demander d'urgence le renforcement des règles du contrôle avec en priorité l'instauration d'incompatibilités strictes entre le conseil et le contrôle. Yan de Kerorguen (1) Lire Bruno Martinet et Yves-Michel Marti : « l'Intelligence économique. Les yeux et les oreilles de l'entreprise » . Ed. d'Organisation, mars 1995.
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