Les PME débordées par la contrefaçon

Ce n'est pas par hasard si Alain Lamassoure, porte-parole du gouvernement, lance une campagne contre les contrefaçons. Les entreprises sont confrontées à une véritable guerre ! Qu'il s'agisse du piratage en masse des logiciels, CD et CD-ROM américains, effectué dans une trentaine d'usines chinoises. De la bataille menée par l'industrie du luxe, qui trouve son exemple le plus criant dans « l'Opération Pipeline » engagée par Louis Vuitton Malletier pour arrêter les contrefacteurs coréens. Ou plus généralement du pillage quotidien de milliers de PME, pas un jour ne passe sans qu'une saisie importante n'ait lieu ou qu'une filière ne soit découverte. L'ampleur des dégâts. Sur dix marques contrefaites, sept sont françaises. Dans les huit derniers jours, quatre saisies de contrefaçons ont eu lieu, à Paris, à Orly, à Fos-sur-Mer et à Marseille : des montres fabriquées en Chine, des lunettes en provenance de Hong Kong, des accessoires de poupées Barbie également de Hong Kong, des chaussures et articles de sports importés d'Indonésie. Dernièrement, 77 saisies ont été réalisées au salon Equip'auto. C'est connu, Lacoste, Cartier, Chanel investissent des millions dans la protection de leur marque. A cause de cette menace constante, 30.000 emplois sont perdus, 100 milliards de francs sont amputés chaque année aux entreprises françaises et 300.000 articles ont été saisis en 1995. Mais, à en croire l'INPI (Institut national de la propriété industrielle), l'augmentation vertigineuse des saisies peut se lire de deux façons : en positif, l'efficacité des dispositifs de répression ; en négatif, l'accroissement insoupçonné des réseaux s'adonnant à de tels trafics. La contrefaçon est aujourd'hui un secteur d'activités représentant 5 % à 6 % du commerce mondial, avec ses professionnels, ses avocats, ses accords à l'amiable, sa puissance de tir, ses tactiques. Exemple : le dépôt parasitaire. Le principe est simple. Un déposant de mauvaise foi oblige l'entreprise négligente à racheter sa propre marque en s'appuyant sur un chantage : « Ou vous me faites un procès pour dépôt frauduleux qui va prendre des années et coûter très cher ou bien vous me donnez tout de suite la moitié ou le quart et je radie mon dépôt immédiatement. » Cela peut aller plus loin. Des couturiers français ont ainsi été attaqués en contrefaçon par le déposant local de leur propre marque. Chez les PME, de grands noms subissent également la concurrence illégale des pros de la copie : Souléiado, Opinel, Palladium, par exemple, perdent beaucoup d'argent contre cet ennemi invisible et presque autant à se défendre. Prévenir, négocier ou attaquer ? De nombreuses entreprises pensent qu'avec une bonne information de terrain on est en meilleure position pour se défendre. C'est le cas par exemple de sociétés du Sentier, à Paris, connues pour écumer les salons et les catalogues afin de repérer les faussaires et agir immédiatement. Il existe également des procédures de prévention donnant la possibilité de s'opposer à l'enregistrement de la demande d'une marque que l'on juge semblable dans un délai de deux mois après sa publication. Moins cher qu'un procès ! 41 % seulement des entreprises vont engager des procé- dures. Il faut compter en moyenne 50.000 francs pour un procès en première instance. Les coupables encourent une amende égale au double de la valeur des produits authentiques, sans préjudice des sanctions pénales et des poursuites civiles par l'entreprise victime. Mais force est de constater que, devant les frais qu'occasionne une stratégie de protection, pas toujours payée de succès, les deux tiers des entreprises victimes préfèrent baisser les bras ou transiger. De plus en plus, les entreprises cherchent à composer avec les contrefacteurs, comme le rosiériste Meilland, à Grasse, qui n'hésite pas à passer des conventions avec les contrefacteurs pour les convertir au partenariat. Négocier est souvent plus rapide et moins coûteux. Punir et indemniser ? Sur le plan juridique, un pas important a été fait avec l'adoption de la loi Longuet du 5 février 1994, qui a permis de renforcer la protection des entreprises face à ce fléau. Désormais l'importation, l'exportation et le transit de contrefaçons sont considérés comme des délits douaniers et donc directement saisissables, quel que soit le régime dans lequel les marchandises sont placées et quelle que soit leur origine. Cette mesure ne concerne pas uniquement les marques. La retenue en douane (pendant dix jours) s'applique aussi aux marchandises soupçonnées d'être des contrefaçons de droits d'auteur et droits voisins, ainsi que les dessins et modèles. Mais si le législateur a renforcé les moyens de lutte en aggravant les sanctions civiles et pénales et en prévoyant des mesures telles que la confiscation et la destruction des faux. Reste la réparation du préjudice subi. Or « aucun texte ne définit les bases de l'indemnisation pécuniaire », rappelle Arnaud Casalonga, avocat chez Courtois & Lebel Associés. Yan de Kerorguen
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