Un mariage de raison avec la Chine

Impossible de s'ignorer. Voisins et liés par des intérêts économiques grandissants, le Japon et la Chine s'opposent toutefois sur des questions stratégiques comme l'approvisionnement énergétique ou le "leadership" en Asie. Deuxième puissance économique et troisième consommateur de pétrole du monde, le Japon assure sa prospérité par l'innovation dans les technologies de l'information et de la communication, et peut difficilement échapper à un mariage de raison avec la Chine, l'"atelier du monde" et le deuxième consommateur d'or noir. Ce partenariat, qui façonne une nouvelle division du travail dans toute l'Asie, est fructueux pour les deux protagonistes.Le Japon est le quatrième investisseur étranger en Chine avec une part relative de 8 % à 9 % (un peu plus de 9 milliards de dollars en 2004). Plus de 16.000 sociétés nippones sont implantées sur le sol chinois où vivent environ 100.000 Japonais. La Chine est devenue l'an passé le premier partenaire commercial du Japon, devançant les Etats-Unis, tandis que le Japon est devenu le troisième partenaire de la Chine. Au total, les échanges entre les deux pays représentent quelque 169 milliards de dollars, selon les données nippones. Certains économistes ont même attribué à la "locomotive" chinoise la fin du marasme économique dans l'archipel.A l'appui de leur analyse, le Japon enregistre un solde commercial légèrement excédentaire, selon les données chinoises. Mais, "hors Hong Kong, le Japon est déficitaire", nuance Atsushi Nakajima, économiste au Mizuho Research Institute à Tokyo. Pour cet économiste, "la relation commerciale Chine-Japon est le corollaire de celle de la Chine avec les Etats-Unis : plus la Chine exporte aux Etats-Unis, plus elle assemble de produits japonais". A cela s'ajoute l'intérêt du marché chinois lui-même, comme le prévoit Carlos Ghosn, nouveau patron de Renault, pour qui "la Chine deviendra de plus en plus importante pour nos ventes et notre profitabilité".De violentes manifestations. Restent les contentieux. Dernier épisode, les violentes manifestations contre les intérêts japonais en Chine après la parution de manuels scolaires nippons accusés de minimiser les atrocités commises par l'armée dans les années 30 et 40. Le Premier ministre japonais, Junichiro Koizumi, dont le pays brigue un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU sous l'oeil très inquiet de Pékin, a dû présenter des excuses lors du sommet de Djakarta, auquel participait le président chinois Hu Jintao."Des excuses, le Japon en a déjà formulé en 1994 par la voie d'un ancien Premier ministre, Tomiichi Murayama", rappelle Toshiro Kuroda, dirigeant de KSM, think tank basé à Paris. Son constat est d'autant plus sévère que le Japon a mis la main à la poche sous la forme d'aides publiques au développement à destination de la Chine : 26 milliards de dollars depuis 1979, calcule Toshiro Kuroda. Le souvenir de l'expansionnisme militaire nippon, habillé à l'époque du concept de "co-prospérité", impose à Tokyo une certaine retenue dans la façon de tisser sa toile commerciale dans la région, reconnaît Toshiro Kuroda. Pendant ce temps, Pékin multiplie les projets d'accords de libre-échange. L'un des enjeux n'est autre que l'accès à l'énergie. Pékin et Tokyo se disputent les gisements de gaz situés en mer de Chine de l'Est. Tout aussi récemment, le Japon aurait menacé de retirer son aide au projet russe d'oléoduc reliant la Sibérie au Pacifique, si un embranchement devait être construit vers la Chine avant l'achèvement du conduit principal.Laurent Chemineau
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