"Nous sommes condamnés au succès"

Quinze ans après la réunification, où en est la restructuration de l'économie est-allemande ?- En partant d'une économie qui ne valait presque rien en 1990, contrairement à ce qui se disait à l'époque, il a été possible de construire un tissu d'entreprises, en particulier là où une base industrielle et un savoir technologique existaient auparavant. Cela reste plus difficile dans les régions du nord à dominante agraire, où les débouchés sont rares.Il manque encore une densité d'entreprises...- Il en manque en effet bon nombre, surtout de grande taille, pour tirer l'économie de l'avant. Des milliers d'entités se sont installées à partir de rien ou bien ont repris un ancien combinat. Mais dans les deux cas, il a fallu bâtir des réseaux commerciaux et de sous-traitance qui étaient inexistants au temps de la RDA. S'est ajoutée la difficulté de trouver des débouchés à l'Ouest dans un marché saturé, qui n'avait pas besoin d'absorber des produits de l'Est.Quelles erreurs ont été commises durant ces dernières années ?- Guidés par un esprit généreux, les politiques ont voulu sauver à coup de subventions massives les combinats industriels non viables hérités de la RDA. C'était de l'argent jeté par la fenêtre et le choc ultérieur en a été d'autant plus fort. Une autre erreur a été d'augmenter autant les salaires des employés de l'Est pour les rapprocher du niveau de l'Ouest. Cela a été un coup fatal pour toute l'industrie non compétitive, mais il ne pouvait guère en être autrement. Avec des salaires maintenus à 10 % du niveau de l'Ouest, il aurait vite fallu reconstruire le mur.Et pourtant l'Allemagne de l'Est a perdu 1,4 million d'habitants en quinze ans...- C'est incontestablement un gros problème. D'autant qu'à regarder de près, on s'aperçoit que les personnes qualifiées et ayant un travail migrent ailleurs pour gagner plus d'argent.Les niveaux de vie des deux parties de l'Allemagne vont-ils converger un jour ?- Cela est prévu à l'horizon 2020, une fois achevée la deuxième tranche du Pacte de solidarité (159 milliards d'euros alloués de 2005 à 2020). Je pense que l'on y arrivera. Plus de la moitié du chemin a déjà été fait.Faut-il se résigner à ce que cette partie de l'Allemagne révèle de grandes disparités, entre d'un côté des agglomérations dynamiques et de l'autre des petites villes reculées condamnées à la mort lente ?- Ceux qui prétendent cela colportent une propagande pessimiste.Pourquoi un investisseur choisirait-il les nouveaux Länder plutôt que la Pologne ou la République tchèque ?- Si cet investisseur recherche une main-d'oeuvre pour des tâches simples et peu payées, il aura tendance à s'installer en Pologne ou en Roumanie plutôt qu'ici. Mais je rencontre d'autres entrepreneurs avec des projets complexes dans les hautes technologies qui viennent ici car ils cherchent une main-d'oeuvre qualifiée et restant bon marché, qu'ils ne trouvent pas ailleurs. De plus, les conditions d'activité sont ici strictement réglementées...Vous voulez dire que la corruption sévit moins ?- Oui, du moins je l'espère !Faudrait-il que les nouveaux Länder bénéficient de mesures d'exception pour accroître leur compétitivité, en matière de fiscalité ou de droit du travail par exemple ?- Cela est du ressort fédéral. Je pense que toute l'Allemagne doit se moderniser, pas seulement les nouveaux Länder. Pour relancer la machine, il faut supprimer de nombreuses règles bureaucratiques et des standards inutiles en matière d'environnement, et réformer la fiscalité.L'Est est souvent comparé à un Mezzogiorno à l'allemande. Qu'en pensez-vous ?- Je récuse cette expression. Nous avons modernisé nos infrastructures de transport et de communications. Mais il faut admettre que l'économie est-allemande n'est pas encore parvenue à générer une croissance auto-sentretenue. Nous avons surtout besoin d'un nombre plus important d'entreprises. Cela ne sera possible qu'avec une croissance retrouvée dans tout le pays. Nous sommes condamnés au succès.Propos recueillis par Jean-Philippe Lacou
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.