Les limites du modèle "maquiladoras"

L'âge d'or des "maquiladoras" touche à sa fin. Lors de la récession américaine de 2001-2003, beaucoup de ces usines d'assemblage installées du côté mexicain de la frontière avec les États-Unis pour profiter de la main-d'oeuvre bon marché avaient plié bagage destination l'Amérique centrale ou l'Asie. Bien que l'activité ait repris une fois le marasme passé, le pays ne peut plus compter sur ce secteur pour créer les emplois dont il a tant besoin. "Ce modèle de développement est épuisé", estime l'économiste Enrique Dussel Peters. Le Mexique ne peut concurrencer des pays comme la Chine sur des produits dont la fabrication repose sur les bas salaires. Certaines villes de province ont donc tenté de se spécialiser dans des produits de plus haute valeur ajoutée, comme c'est le cas à Guadalajara dans le domaine des logiciels informatiques. Mais les exemples de ce type restent des exceptions.À l'heure du bilan, il semblerait que le Mexique n'ait pas su profiter de la présence des maquiladoras. Alors que celles-ci sont responsables de la hausse des exportations du pays, il ne faut pas oublier que "ces exportations se sont accompagnées d'une forte croissance des importations", selon Juan Carlos Moreno, chercheur à la commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes de l'ONU.Hausse des importations de composantsL'industrie nationale mexicaine n'a pas pu s'intégrer aux processus productifs des maquiladoras. "Le "made in Mexico" ne représente qu'une infime partie du produit fini qui sort d'une maquiladora", explique Dussel Peters. Rien d'étonnant si l'on observe les avantages offerts aux investisseurs étrangers (exemption du paiement de la TVA, des impôts sur le revenu et des droits de douane pour l'importation de produits de fabrication). Si l'offre de ces privilèges dans le but d'attirer des capitaux était justifiée en 1965, à la naissance du programme de maquiladoras, à la longue, elle explique que l'industrie nationale - qui, elle, doit payer ces charges - ne puisse concurrencer les prix de composants importés et devenir fournisseur des maquiladoras.Dussel Peters évoque la Chine comme modèle. "Contrairement au Mexique, la Chine a mis en oeuvre de vastes programmes parallèles", offrant des avantages fiscaux aux industries nationales de certains secteurs clés qui investissent en recherche et développement. Pendant ce temps, le Mexique optait pour une politique de retrait de l'État : "La meilleure politique industrielle, c'est de n'en avoir aucune", clamait Herminio Blanco, un économiste plusieurs fois ministre entre 1985 et 2000. Le résultat de cette vision a été une véritable crise du secteur productif. Entre 1988 et 2005, la contribution de la manufacture nationale dans le PIB a baissé de 6 points et, de 2000 à 2005, ce secteur a perdu 16 % de ses emplois.Finalement, le prochain gouvernement devra essayer de "trouver un autre moteur de développement que le marché externe", suggère l'économiste Ciro Murayama. "L'économie mexicaine ne peut s'en sortir sans le marché intérieur", conclut Juan Carlos Moreno. Or, dans un pays où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, il reste encore beaucoup à faire pour que la consommation interne puisse un jour soutenir le développement du pays.Laurence Pantin, à Mexico
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