Les régions au secours du capital-risque

Les collectivités locales ont-elles vocation à mettre en jeu l'argent du contribuable dans le capital-risque ? La majorité des régions et quelques départements l'admettent implicitement, à travers des prises de participation tournant autour de 30 % dans des fonds tels que Rhône-Alpes Création, Centre Capital Création, Sud-Ouest Capital-Risque Innovation en Aquitaine ou encore Midi-Pyrénées Création. La tendance serait même au renforcement du rôle des régions, souvent en association avec la Caisse des dépôts ou d'autres financiers institutionnels.La Bretagne achève ainsi en ce moment le montage d'un nouveau fonds, en partenariat avec Oséo-BDPME-Anvar. Doté de 4,5 millions d'euros (Oséo pour deux tiers, la région pour un tiers), il devrait démarrer son activité cet été. "Il s'agit de mutualiser nos efforts dans un contexte de carence de l'initiative privée", précise André Lespagnol, vice-président en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation au conseil régional.Déséquilibre. Selon les chiffres de l'Association française des investisseurs en capital (Afic), la Bretagne a reçu 4 % seulement des 5,2 milliards d'euros investis en France l'an dernier (dont 659 millions pour le capital-risque, d'après l'indicateur Chausson). L'Ile-de-France accapare 74 % du total, très loin devant Rhône-Alpes (7 %), la Bourgogne (4 %), Paca et Languedoc-Roussillon (2 % chacun). Ce déséquilibre n'est pas nouveau mais les efforts entrepris pour le réduire n'ont pas été couronnés de succès. Dernière tentative en date, les fonds d'investissements de proximité (FIP), censés canaliser l'épargne des ménages vers des PME locales, connaissent un succès mitigé. De plus, les gérants ont tendance depuis la fin de la bulle Internet à éviter le segment des entreprises de croissance, trop risquées à leurs yeux. "Quitte à contourner l'esprit, sinon la lettre, des fonds commun de placement pour l'innovation... Soyons clair : ces fonds ne financent plus l'innovation", note le président d'une société française de capital-investissement. De là estimer que les collectivités jouent les roues de secours du capital-risque, il n'y a qu'un pas. Président de l'Unicer (Union nationale des investisseurs en capital pour les entreprises régionales) et dirigeant de Rhône-Alpes Création, Guy Ribaud, réfute formellement cette interprétation : "La rentabilité à dix ou quinze ans du capital-risque frôle le zéro. Nous ne serions plus en vie si nous n'avions pas réalisé quelques jolis coups ; mais, sur la durée, notre activité est trop aléatoire pour la confier au jeu du marché. Il vaudrait mieux l'admettre une bonne fois pour toutes. L'intervention des collectivités n'est pas un palliatif, elle sera toujours indispensable. Les Anglo-Saxons sont plus pragmatiques que nous. L'Amérique est peut-être le pays du libéralisme, mais cela n'a pas empêché la Pennsylvanie, deux fois plus peuplée seulement que Rhône-Alpes, d'investir 60 millions de dollars en amorçage sur le seul segment des biotechnologies. Amorçage Rhône-Alpes, de son côté, a un budget de 5,7 millions d'euros, tous secteurs confondus !"Indispensable argent public. Le privé se concentrant sur les entreprises ayant plus de trois ans d'existence (voir "La Tribune" du 14 mars), il semble en fait impossible aujourd'hui de boucler un premier tour de table sans argent public. En complément d'autres mécanismes et financements, les régions ont donc un rôle crucial à jouer dans le vrai capital-risque.Erwan Seznec
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