En Allemagne, l'idée d'un niveau minimum légal fait son chemin

L'idée du salaire minimum légal s'installe pas à pas en Allemagne, alors que s'enflamme le débat sur le partage juste des fruits de la croissance. Déjà présent dans le bâtiment et le nettoyage industriel, le salaire minimum a fait son entrée dans le secteur de la poste le 1er janvier, au taux horaire fixé entre 8 et 9,80 euros. Négociée entre Deutsche Post et les syndicats, cette fourchette a été intégrée par la coalition d'Angela Merkel (CDU) dans une loi (Entsendegesetz) prévue pour prévenir le dumping social, en principe venant de l'étranger. Mais avec la libéralisation du marché de la distribution du courrier jusqu'à 50 g, il s'agissait de fait de protéger l'ex-monopole public contre la concurrence d'acteurs privés locaux payant leurs salariés librement. L'un d'entre eux, PIN, est depuis menacé de faillite.UNE REVOLUTIONTout le débat actuel entre partenaires de la coalition, le SPD à gauche et la CDU-CSU à droite, porte sur l'extension du salaire minimum à d'autres branches. Le fait d'en discuter marque déjà une révolution. Des décennies durant, le modèle rhénan a laissé aux partenaires sociaux décider branche par branche les niveaux de salaires et conditions de travail. Ce système n'est certes pas remis en cause, mais il doit s'adapter, car de moins en moins d'entreprises adhèrent aux dites conventions, de même que recule la représentativité des syndicats. Avec pour conséquence une progression dans l'économie des emplois à bas revenus.Selon la définition de l'OCDE, 16 % des actifs étaient concernés en Allemagne en 2005, surtout dans les services. En outre, les lois " Hartz " votées par le précédent gouvernement Schröder (SPD) ont contraint les chômeurs à accepter un emploi rémunéré jusqu'à 30 % en deçà de l'usage. Aujourd'hui, le même SPD s'insurge en voyant que 600.000 salariés faiblement rémunérés touchent l'allocation de solidarité, normalement réservée aux chômeurs de longue durée, pour arrondir leur fin de mois... Du coup, la confédération syndicale DGB relance avec force son ancienne revendication d'un salaire minimal pour tous de 7,50 euros de l'heure. Les sociaux-démocrates font de leur côté référence à l'exemple français quand ils exigent l'extension du salaire minimal partout où cela est nécessaire. La CDU, avec le patronat, y est hostile au nom de l'autonomie des partenaires sociaux et de la crainte que cela puisse conduire à des centaines de milliers de suppressions d'emplois.Le SPD a néanmoins arraché l'été dernier un compromis de gouvernement, lequel prévoit deux manières d'étendre le salaire minimum. Chaque branche qui en fera la demande avant le 31 mars verra un salaire minimum, négocié entre partenaires sociaux, servir de cadre légal aux salariés de la dite branche. Ce système fonctionnant si 50 % au moins des salariés dépendent d'une convention collective, le SPD a ressorti de l'oubli une autre loi de 1952 garantissant des conditions de travail minimum... qui n'a jamais été utilisée. Un projet de loi doit en redéfinir les contours. Il est prévu qu'une commission d'experts soumette à l'approbation du ministre du Travail l'instauration dans des secteurs déterminés d'un salaire minimum. On imagine que tant la composition du groupe d'experts que ses délibérations futures vont nourrir d'incessantes disputes au sein de la coalition jusqu'aux élections générales de 2009.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.