L'évasion de capitaux vers les paradis fiscaux touche aussi la France

Si Georges Pompidou avait raison en disant que " la fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme ", il n'y a aucun motif pour douter que la vaste affaire de fraude fiscale qui secoue aujourd'hui l'Allemagne pourrait un jour avoir son équivalent en France. À Bercy en tout cas, on admet sans difficulté que l'Hexagone n'est pas à l'abri. Et ce d'autant que l'Allemagne semblait protégée par le traditionnel civisme fiscal de ses citoyens.La fraude fiscale est par nature difficile à mesurer. Le Conseil des prélèvements obligatoires l'évaluait en mars dernier entre 20,5 et 25,6 milliards d'euros. Pour Vincent Drezet, du Syndicat national unifié des impôts (Snui), une " part significative " de ces montants relèverait de l'évasion fiscale. Pour tenter d'apprécier les montants en jeu, le Snui se réfère aux activités des directions nationales du fisc dont une grande partie de l'activité consiste à contrôler des montages fiscaux internationaux. Ces directions (DVNSF et DVNI) " ont redressé en moyenne ces quatre dernières années en droits entre 3 et 3,5 milliards d'euros par an ", explique Vincent Drezet, pour qui cette fourchette sous-évalue le phénomène puisque certaines directions régionales font aussi du contrôle à l'international. Surtout, le Snui doute de la volonté politique de lutter contre l'évasion fiscale, estimant que le gouvernement préfère faire porter ses efforts sur la fraude sociale et escroqueries à la TVA. À l'appui de cette critique, Vincent Drezet note que, au niveau national, " la part des opérations donnant lieu à un rappel de fiscalité internationale est passée de 10 % en 2003 à 8,8 % en 2007 ".ARTHUIS PRECONISE DE RENDRE LA FISCALITE PLUS ACCEPTABLEJean Arthuis va plus loin dans la charge. Le président centriste de la commission des Finances du Sénat dénonce " une vraie hypocrisie d'État sur ces questions " et souhaite que l'" on arrête de jouer avec les paradis fiscaux ". La France, avec Monaco ou Andorre par exemple, entretient des liens directs avec ces places régulièrement montrées du doigt dans des affaires d'évasion de capitaux et de blanchiment. Jean Arthuis s'interroge d'ailleurs pour demander s'il est normal que le président de la République française soit co-prince d'un paradis fiscal (Andorre). Plus généralement, l'ancien ministre de l'Économie préconise d'une part que les Français remettent de l'ordre dans leurs finances publiques, leurs prélèvements et leurs barèmes pour rendre notre fiscalité plus acceptable. D'autre part, il estime qu'il ne faudrait pas hésiter à déclarer une amnistie pour rapatrier les capitaux " évanouis " à l'étranger et enfin il prône une " plus grande intransigeance " envers les États de non-droit fiscal.Au ministère de l'Économie, si on concède la difficulté de la tâche quand les enquêtes ont trait à des paradis fiscaux avec lesquels la France n'aurait pas d'accord d'assistance administrative, on souligne aussi que la future Délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF) va annoncer des axes de renforcement du contrôle fiscal car " la superfraude en col blanc n'est pas moins dommageable que la fraude au RMI ".Par ailleurs, le gouvernement essaie de faire avancer les accords d'échanges de renseignement. Le succès n'est pas toujours au rendez-vous, ainsi avec Hong Kong la situation est au point mort, note un expert. Ces échanges, qui résultent de l'application de la directive épargne permettent de juger les efforts des uns et des autres. Ainsi, la Suisse a reversé à la France 30 millions d'euros au titre de l'imposition des intérêts de l'épargne placée dans son pays des résidents en France. Le chèque du Liechtenstein était de 133.000 euros seulement...Le forcing de MerkelLors d'une rencontre avec son homologue du Liechtenstein, la chancelière Angela Merkel a exigé de ce paradis fiscal qu'il communique des informations sur les Allemands qui investissent dans la principauté, comme il le fait pour les investisseurs américains. " J'ai dit clairement que les accords déjà conclus avec les États-Unis sont pour nous, pays de l'Union européenne, une sorte de référence, et nous disons que ce qui est possible avec les États-Unis devrait l'être aussi avec nous ", a déclaré la chancelière. Depuis 2002, l'administration fiscale américaine a réussi à imposer au Liechtenstein une levée partielle de son secret bancaire.
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