Record historique du chômage au mois de mai

Trois millions cent soixante-huit mille chômeurs ont été dénombrés en mai par l'Insee. Jamais un tel niveau n'avait été atteint en France depuis qu'existent des statistiques du chômage. Le précédent record date de mars 1994, avec 3.156.000 chômeurs. Ce nombre répond à la définition du Bureau international du travail (BIT), qui permet de comparer la situation des pays occidentaux, en données corrigées des variations saisonnières. Cela porte le taux de chômage à 12,4 % de la population active. En mars 1994, ce taux avait atteint 12,5 %. Ce record n'apparaît pas lorsqu'on se réfère à une définition proprement française : le nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois recensés par l'ANPE. Mais, même avec cette méthode, révisée il y a un an pour en extraire les demandeurs d'emploi ayant travaillé plus de soixante-dix-huit heures dans le mois écoulé, 3.042.800 demandeurs d'emploi ont été recensés fin mai, soit 30.800 de plus qu'en avril - une hausse de 1 %. Le gouvernement, qui s'était félicité d'une diminution du chômage pendant deux mois consécutifs, doit brusquement déchanter. Toutes les catégories sont frappés de plein fouet par la hausse du chômage : + 1,1 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, + 1,3 % pour les hommes de vingt-cinq à quarante-neuf ans. Le succès du contrat initiative-emploi (CIE) ne permet pas d'éviter une augmentation du chômage de longue durée, qui touche 34,5 %, de l'ensemble des demandeurs d'emploi. L'atonie de la conjoncture semble le principal facteur de la dégradation du chômage en mai. Alors que le nombre d'inscriptions à l'ANPE a diminué de 2 %, les « sorties » sont en baisse de 2,5 %, avec un fort recul des reprises d'emploi (- 8,9 %), qui témoigne de la faiblesse de l'embauche. Et l'Insee n'est guère optimiste, prévoyant que l'année 1996 devrait se terminer sur un taux de chômage « toujours élevé » de 12,3 % à 12,5 %. Le mauvais chiffre du chômage en mai vient singulièrement compliquer la tâche du Premier ministre, qui a réaffirmé, la semaine dernière devant l'Assemblée, sa volonté de ne pas changer le cap de sa politique économique. Même si le ministre du Travail, tout en reconnaissant que le chiffre de mai n'est « pas bon », a souhaité vendredi « que la France se batte » et « ne tombe pas dans le découragement », les critiques fusent de toutes parts, y compris dans les rangs de la majorité. Ainsi, l'ancien ministre du Budget Nicolas Sarkozy, tout en jugeant que « la direction retenue par Alain Juppé est la bonne », a souhaité vendredi « deux inflexions » de la politique du gouvernement, « sur les impôts et les critères de Maastricht ». « On ne peut pas avoir un pays qui continue à avoir des chômeurs et une croissance trop faible », a-t-il déclaré sur RTL, affirmant que « la croissance est une condition absolument nécessaire pour poursuivre le mouvement de réformes et pour diminuer les déficits ». Le porte-parole du parti socialiste, François Hollande, a critiqué l'attitude du Premier ministre. En affirmant « garder le cap » et en annonçant en toute saison le « printemps de l'économie », Alain Juppé, qui reste indifférent au record qu'il vient d'établir, confirme qu'il est presque le seul à avoir encore confiance dans la politique qu'il conduit avec une persévérance égale à son aveuglement. Dans ce contexte, et compte tenu de la cascade de plans sociaux annoncés, le gouvernement peut-il se permettre de procéder à des coupes drastiques dans les aides à l'emploi - notamment les préretraites, les aides à la réduction de la durée du travail, les CES et les CIE ? Le débat va s'engager avec la présentation, jeudi, du rapport de la commission d'enquête parlementaire présidée par Michel Péricard, président du groupe RPR à l'Assemblée. Il risque d'être animé. On sait que le gouvernement envisage de supprimer l'aide au premier emploi des jeunes (APEJ), qui coûte environ 2 milliards de francs par an au profit du développement de l'Arpe, le dispositif de « préretraites contre embauches ». Par ailleurs, une réflexion est en cours pour restreindre l'accès au CIE et le cibler sur les publics les plus en difficulté. Delphine Girard
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