Multinationales : des mesures pour limiter l'évasion fiscale

Le gouvernement devrait bientôt traduire en actes son discours sur l'évasion fiscale pratiquée par les grandes entreprises. Soumis au Conseil des ministres du 24 janvier, le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) devrait inclure plusieurs mesures visant à renforcer l'arsenal de contrôle des pratiques fiscales, notamment des multinationales. Les grandes entreprises ont considérablement réduit leur impôt, contribuant à réduire les recettes fiscales, martelait l'ancien secrétaire d'Etat au Budget, François d'Aubert. L'objectif de Bercy est de mieux appréhender la pratique des « prix de transfert ». Derrière ce vocable barbare, se cache une pratique simple et très largement répandue. Une société multinationale, qui produit et qui vend dans des filiales établies dans plusieurs pays, cherche à minimiser la marge qu'elle réalise dans les pays à forte taxation. Dans ce but, elle crée une centrale d'achat et une centrale de distribution internes dans un paradis financier. La centrale d'achat minore les prix de transferts entre filiales. La centrale de distribution les majore. C'est ainsi que s'évanouissent les marges et les profits officiels, et, par conséquent, les dividendes et la base d'imposition dans les pays à fiscalité normale. Selon les règles établies par l'OCDE, les entreprises sont théoriquement contraintes de pratiquer des prix de marché pour leurs ventes intra-groupe. Mais peut-on toujours déterminer ces prix ? A l'évidence, non. D'où la possibilité de minorer le bénéfice imposable en France, au grand dam de la Direction générale des impôts (DGI), qui voit s'échapper une « matière taxable » importante. Les fonctionnaires de Bercy veulent donc, depuis plusieurs années, transposer en France les règles sévères actuellement en vigueur aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, l'entreprise a obligation de justifier la validité de ses prix de transfert, faute de quoi elle se voit infligé un redressement fiscal assorti d'une lourde amende. Bercy a préparé à l'automne un texte s'inspirant de cette philosophie, qui a déclenché l'ire des organisations patronales. Le gouvernement envisageait notamment des redressements fiscaux forfaitaires, fondés sur une comparaison internationale des bénéfices réalisés par les entreprises d'un même secteur. Le projet, qui devait figurer en annexe du collectif budgétaire de fin d'année, a été repoussé. Mais les Finances reviennent à la charge, en comptant sur quelques concessions pour faire passer leur texte : les sanctions seraient considérablement amoindries, il ne serait plus question de redressement forfaitaire. Il s'agirait tout de même de doubler le délai de prescription fiscale en matière de prix de transfert, qui passerait de trois à six ans, et d'imposer des obligations de déclaration aux entreprises, qui devraient fournir des informations justifiant leurs prix. Le projet semble cette fois-ci suffisamment mûr et négocié pour être accepté par le monde de l'entreprise. Ivan Best
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