Justice + La commission Truche contre l'indépendance totale du parquet

Le rapport tant attendu sur la réforme de la justice doit être remis aujourd'hui au chef de l'Etat à l'Elysée. Après six mois de réflexion, la commission présidée par Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation, remet ses conclusions sur le statut du parquet et la présomption d'innocence. Même si la commission préconise de revoir le système de nominations des magistrats, elle se prononce contre la rupture du lien entre l'Etat et le ministère public. Déception, du côté du Syndicat de la magistrature qui considère que les propositions en matière d'indépendance sont « quasi inexistantes ». « Les magistrats du parquet ne seront pas plus indépendants du pouvoir politique, déplore son président Jean-Pierre Boucher, dans la mesure où le garde des Sceaux conserve un pouvoir de propositions sur la nomination des procureurs et les procureurs généraux. Certes, le Conseil supérieur de la magistrature donnera son avis conforme, mais la liste des noms sera établie par la chancellerie. » Une formule ambiguë. Même inquiétude sur l'interdiction faite au garde des Sceaux de donner des instructions dans les affaires individuelles. Le rapport lui conserve le droit de se concerter avec les procureurs, une formule ambiguë qui ouvre la porte, selon les syndicats, à tous les abus de pouvoir. « Ce que nous voulions, c'est qu'il n'y ait plus d'instructions du tout », rappelle Valéry Turcey, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, qui représente la moitié de la profession. Mise en place en janvier, à la demande du chef de l'Etat qui voulait faire de la justice l'un des grands chantiers de son septennat, cette commission de 21 membres avait fait naître beaucoup d'espoir, surtout depuis le changement de majorité. Dès son arrivée au pouvoir, Lionel Jospin se prononçait solennellement pour « une justice indépendante et impartiale », tandis que son garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, excluait toute intervention dans les affaires individuelles. 1,5 % du budget de l'Etat. Ceux qui militent de longue date pour un vrai renouveau du système judiciaire pourront se consoler partiellement avec la volonté affichée de la commission de renforcer les droits du justiciable. Le rapport préconise, en effet, la présence d'un avocat dès la première heure de la garde à vue et l'enregistrement des interrogatoires. La commission estime, en outre, que les enquêteurs qui divulgueraient les noms de personnes gardées à vue ou mises en cause lors d'une enquête, pourraient être sanctionnés, la presse n'ayant plus le droit de les publier. Elle propose encore que la décision de mise en détention soit prise par un collège de 3 magistrats, ne comprenant pas le juge chargé de l'instruction. Mais, relève Valéry Turcey, « pour que cette disposition, qui existe déjà et a été votée, passe dans les faits, il faudrait créer au moins 500 postes de magistrats ». Or, le budget de la justice, à peine 23,9 milliards de francs, dont un tiers est dévoré par l'administration pénitentiaire, est inférieur à celui des anciens combattants ou de la gendarmerie. A peine 1,5 % du budget de l'Etat, en dépit des promesses de tous les Premiers ministres depuis vingt ans. Si les propositions de la commission Truche ne préjugent en rien des décisions futures du gouvernement, Lionel Jospin aura-t-il les moyens de tenir les siennes ? Sophie Seroussi
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